Kaname, sacrifice d’une identité ?

Du trio principal mis en scène dans le shôjo Vampire Knight, il ne me restait plus qu’à écrire sur Kaname, le prince de sang-pur si séduisant qui cache de nombreux mystères. Kaname cristallise l’existence des vampires et leur puissance : vénéré par les uns, craints par les autres mais admiré de tous. En lisant intégralement le manga, je me suis rendue compte que le personnage était plus complexe qu’il ne voulait le montrer : volupté de fumée dans l’air glacial de la nuit, l’identité de Kaname est floue et sujette à de nombreux questionnements… A-t-il au moins une existence propre ?

Avertissement : je n’ai pas encore lu Vampire Knight Memories et je ne prétends pas parler pour Matsuri Hino. Cet article est tiré de ma réflexion et de ma sensibilité.

Disclaimer : l’article révèle des éléments du manga qui constituent des spoilers.

Kaname Kuran est le personnage entouré de mystère dès le début du manga : sauveur de Yûki, vampire au sang-pur, leader de la Night Class, grand rival de Zero, il possède de multiples facettes qui sont toutes différentes les unes des autres.

Pourtant, malgré le fait que Kaname soit omniprésent dans la narration, on ne parvient véritablement jamais à savoir ce qu’il pense ni ce qu’il souhaite entreprendre. Agitateur de l’ombre, il dévoile une part sombre de sa personne lorsqu’il commet le meurtre de Shizuka Hiô, la princesse de la folle efflorescence, vampiresse au sang-pur.

Kaname transperce Shizuka.

Kaname n’est pas innocent et le dit lui-même : il place ses pions sur son échiquier pour arriver à ses fins. Tout au long de l’histoire, il semble avoir sur des coups de tête et ne justifie jamais ses actes. De toute manière, son statut même lui permet de ne jamais se justifier auprès des autres : l’héritier Kuran a tous les droits et toutes les ambitions. Mais qu’elles sont-elles ? Qui est véritablement ce personnage aux machinations machiavéliques ?

Une vie pour une autre

La notion d’identité est un point central dans l’œuvre de Matsuri Hino comme nous avons pu le voir avec Yûki et Zero. Ainsi, la première révélation majeure concernant Kaname aborde cette thématique. Après avoir finalement obtenu gain de cause auprès de Yûki (à savoir la faire venir au manoir des Kuran), nous allons apprendre en même temps que la jeune fille la vérité sur le prince Kaname.

Celui qu’elle prenait pour son frère se révèle être en réalité… l’illustre ancêtre de la famille Kuran, vampire revenu à la vie grâce Rido Kuran, le frère des parents de Yûki. Pour arriver à ses fins, Rido a commis une horreur abominable, folie d’un vampire qui voulait enchaîner à ses côtés son ancêtre : celle de sacrifier l’enfant nouveau-né de Haruka et Juri.

La véritable identité de Kaname : le vampire fondateur du clan Kuran.

Point dramatique de l’histoire : cet enfant avait été prénommé également Kaname, justement en la mémoire du premier, celui qui vient de prendre sa place et sa vie.

Quelle tragédie de découvrir que le Kaname Kuran que nous suivons depuis le début de l’histoire, que nous avons appris à aimer est donc un imposteur, un Kaname de substitution à celui d’origine ! Pourtant, ce cliffhanger a été implicitement amené par Hanabusa lorsque celui-ci se remémore ses deux premières rencontres avec l’héritier Kuran avant et après le meurtre de ses parents : d’enfant timide et en quête d’amitié, Kaname était devenu distant et froid par la suite. Coïncidence ?

Pourtant, il s’avère bien que c’était la même personne. C’est ici que je peux relever la complexité de Kaname : au final qui est-il vraiment ? 

A-t-il épousé une personnalité enfantine avant la disparition de Haruka et de Juri, dans le but de rentrer dans son rôle d’enfant et de leur faire oublier la peine d’avoir perdu leur fils ? Ou a-t-il seulement révélé une froideur et un pragmatisme qui sont des traits de personnalité du premier Kaname à la suite de leur assassinat ? 

En revenant à la vie sous l’identité de l’hériter Kuran, Kaname vit une douloureuse remise en question quant à son existence : pourquoi est-il là ? À quoi peut-il bien servir ? Après des millénaires enfermé dans son cercueil, il revient sans but précis, seulement parce qu’un vampire ambitieux l’a décidé.

Que va-t-il donc faire de ce temps qui lui est redonné ? Incapable de se régénérer, il ne peut que revenir au monde sous la forme d’un nouveau-né. Décidant de bloquer dans un coin de son esprit ses anciens souvenirs, il est ainsi élevé par Haruka et Juri, prenant la place de leur enfant disparu.

Puis, il rencontre quelques années plus tard Yûki, fille de ses parents d’adoption, qui vient au monde. Cette rencontre le change et le marque.

La venue au monde de Yûki.

Il se jure alors de la protéger comme l’aurait fait un frère aimant, lui donnant tous les droits sur son existence. Car, il n’est pas sans rappeler que dans les familles de sang-pur, il est naturel pour les membres d’une même fratrie de passer les siècles ensemble et d’avoir des enfants. 

À cet instant peut-on dire que Yûki devient sa raison de vivre ? Lui qui n’était rattaché à rien se retrouve ensorcelé par l’innocence de cette nouvelle vie qui vient au monde. Une existence sans souillure, sans tache de sang pour entraver sa liberté future.

Cette pureté tranche avec la nature même de Kaname qui est à l’origine de la race vampirique (avec d’autres vampires tout de même) et du clan Kuran : né avec une soif de sang et une possibilité de prendre des vies sans se poser de questions.

Quel point de départ ?

La question autour de l’identité de Kaname se faisait plus précise au cours de ma lecture, car plus on avance plus on découvre l’envers du décor, plongeant dans les prémisses d’une race vampirique inexpliquée.

Nous découvrons toujours en même temps que Yûki que les vampires sont en fait des mutations du genre humain : de parents humains, ces êtres sont nés à part avec des capacités particulières et des caractéristiques qui les différencient de l’ensemble de la communauté (sensibilité à la lumière du jour, se nourrir de sang, etc.). 

Cette explication boucle à la perfection la thématique de l’identité de Kaname et n’apporte qu’une seule réponse plausible : on ne peut pas le définir.

Car tout par de là, à l’aube d’un monde bipolaire. Kaname n’a pas véritablement d’identité propre, il est simplement défini par son appartenance à un nouveau groupe : celui des vampires. Lui, l’enfant mutant qui erre en solitaire pendant des années dans le désert ne sait pas d’où il vient et quelle est la raison de son existence

Ce questionnement quant à sa nature devient très vite central dans la seconde moitié de Vampire Knight. On découvre qu’il y avait quelqu’un avant Yûki, un amour originel qu’il n’a jamais pu oublier malgré celui qu’il porte à sa fiancée.

C’est d’ailleurs cette femme qui donne à Kaname son prénom, le même que celui de son lointain pays. Avant de croiser son chemin, on comprend que Kaname n’était rien et ne cherchait pas à devenir. C’est seulement à partir de cette rencontre qu’il acquiert un peu de substance, de matière.

Kaname et son lien avec celle qui l’a prénommé.

Cet amour n’a pas de nom. Il se matérialise seulement dans le manga sous la forme d’une jeune femme encapuchonnée, elle-même vampire, mère d’une espèce qu’elle abhorre. Puisqu’elle est le mal, elle veut devenir le remède d’une humanité qui n’a rien demandé et qui subit la supériorité des vampires.

En effet, des exactions commencent à être commises par certains sang-purs à l’égard des humains. Le groupe originel avait fini par se séparer, opposé fondamentalement sur la vision et la ligne de conduite à adopter pour vivre en harmonie avec l’humanité. Ainsi, une partie d’entre eux utilisent leurs capacités infinies pour se repaître à outrance des humains.

C’est pourquoi, la vampiresse décide de remédier à cette situation en se sacrifiant. Elle jette son cœur dans la forge pour pouvoir créer des armes capables de réduire en poussière les vampires de sang-pur : les armes anti-vampires dont se servent les hunters. 

L’instrumentalisation d’une vengeance

Ainsi, après la révolte des familles de sang-pur et devant leur influence toujours grandissante, Kaname reprend le flambeau et fomente les meurtres des familles de sangs-purs, ces représentations quasiment divinisées par la communauté des vampires.

Son objectif est de perpétuer le souhait de son ancienne amante et de détruire les vampires, ces créatures avides qui ne font que causer du tort aux humains. 

Le personnage de Kaname se brouille davantage pour arriver à une dépersonnalisation totale car, à mon sens, il finit par devenir l’instrumentalisation d’une vengeance sans identité propre.

Il n’est plus Kaname Kuran mais seulement celui qui mettra fin à la suprématie des sangs-purs, celui qui doit sacrifier son cœur dans la forge pour continuer le dessein de son amour. 

Pour aller au bout de son projet, il n’hésite pas à se détourner de tous ceux qui l’ont entouré pendant des années, voire des siècles. Il brise la promesse formulée avec Kaien Cross, celle de faire vivre en harmonie les vampires et les humains. Au-delà de prendre parti, il devient un outil, la main vengeresse de l’humanité.

Envahi par le fantôme de son amante, il semble guidé par ses pas à elle. Il redevient en quelque sorte cette coquille vide embrassant une cause qui n’était pas sienne à l’origine. Une cause qui lui a été parvenue depuis des millénaires et qu’il se donne pour objectif de mener à bien.

Cette femme qui lui a donné son prénom s’est sacrifiée, alors c’est désormais à lui de le faire pour honorer sa mémoire. Qui était-il vraiment au final ? Il semble occulter vers la fin du manga qu’il avait une personnalité propre, qu’il était à la fois l’ancêtre Kuran et l’héritier Kaname. Mais l’avait-il vraiment ?

Dépersonnalisé, Kaname trace son chemin et rien ne pourrait l’en dévier. Pas même Yûki, celle qui lui a redonné un espoir après sa renaissance. Kaname n’a pas le choix, il doit le faire, c’est comme ça.

Rejetant ainsi tout ce qu’il est individuellement pour sauver le collectif, il accepte de tout perdre : et c’est pour cela qu’il autorise Yûki et Zero à être ensemble juste avant son sacrifice. Car il ne peut plus être. 

La bénédiction de Kaname.

Comme nous l’avons vu, l’identité de Kaname se révèle multiple et complexe, personnage aux nombreuses facettes. Malgré tout, il marque son entourage qui ne veut pas le voir partir : Ruka et Kain se battent à ses côtés, Hanabusa l’emprisonne dans un cercueil de glace avant que la forge explose, Yûki peine à lui dire adieu…

Au final, Kaname ne semble pas avoir le choix dans l’entièreté de son existence : le poids d’un prénom et d’une renaissance qu’il n’a pas choisis, l’objectif fou qu’il doit mener sans le faire pour des raisons qui lui sont personnelles…

C’est pourquoi, consciente du poids qui peser sur ses épaules, du fardeau qu’il s’était infligé toutes ses longues années mais surtout par amour, Yûki le libère à la toute fin. Elle lui donne ce qu’il lui manquait et ce à quoi il aspirait dès les premières lumières de l’aube il y a dix mille ans déjà : une vie humaine, vierge de toute destinée.

Kaname, première lumière du Soleil

Kitsu

Mon mantra : shôjo et chocolat 🍫

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1 commentaire

  1. Ce livre a été une excellente lecture ! J’ai adoré l’histoire et les personnages. L’auteur a fait un excellent travail pour donner au lecteur l’impression de faire partie de l’histoire. Je recommanderais certainement ce livre à tous ceux qui recherchent une bonne lecture.

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