La couverture est le premier élément d’un manga que l’on voit avant d’acheter. C’est elle qui donne la première impression : bonne ou mauvaise. C’est un critère d’achat très important, d’où le soin que lui apportent auteurs et éditeurs !
Chaque année, à l’occasion de la semaine du shôjo nous disséquons nos shôjo pour analyser des tendances que nous retrouvons dans la plupart des mangas du genre. Aujourd’hui, nous avons eu envie de nous pencher sur les couvertures. Une couverture c’est quoi ? Quelles sont les caractéristiques des jaquettes de shôjo ? Quelles sont les différences avec celles des éditions japonaises ? Prends ton scalpel, c’est parti pour ce petit cours d’anatomie shôjo !
Une couverture de manga, c’est quoi ?
C’est :
- Une jolie illustration… avec un beau gosse, c’est plus vendeur !
- Le titre du manga joliment mis en forme
- Le numéro du tome
- Le nom de l’auteur(e)
- Le logo de l’éditeur
La couverture doit donner envie de lire et d’acheter. Elle doit donc être harmonieuse, chaque élément doit y trouver sa place. Elle doit également bien refléter le contenu du tome.
Dans l’exemple de Takane & Hana, nous y voyons le couple de héros. Takane porte un costume pour montrer qu’il travaille alors qu’Hana porte son uniforme de lycéenne. Les billets symbolisent la richesse de Takane et les fleurs dans le titre et sous le numéro du tome renvoie à la fois à la « manie » de Takane d’offrir des fleurs à sa « belle » et le nom de celle-ci (Hana signifiant fleur en japonais). Nous avons donc déjà un aperçu de ce qui nous attend à la lecture de ce premier volume.
L’usage des couleurs très girly nous montre au premier coup d’œil que nous avons à faire à un shôjo romantique. À noter également que le logo de l’éditeur est rose puisqu’il s’agit d’un shôjo. L’utilisation de cette teinte permet aussi au logo de s’intégrer parfaitement au visuel de la couverture.
La première de couverture de Takane & Hana permet déjà de déceler certaines tendances des couvertures de shôjo. Néanmoins, il existe une telle variété de couvertures et de procédés pour que celle-ci soit harmonieuse et reflète le contenu du manga, que nous avons eu envie de creuser davantage. Continuons notre autopsie des couvertures de shôjo !
La première de couverture passée au crible
Les couleurs
La palette de couleurs choisie correspond généralement à l’ambiance de la série. Ainsi, les shôjo à dominance gothique ou au thème sérieux auront une palette plus sombre (noir, violet, pourpre, etc.) par rapport à des comédies romantiques plus légères. Elle s’intègre également avec les nuances des illustrations présentes, dans le but de créer une unité.
A noter : la spécificité de la couverture de Aïshite Knight où l’éditeur a choisi d’incorporer des paillettes pour accentuer le coté féminin du manga.
Chez certains éditeurs, le logo s’adapte pour marquer visuellement la collection shôjo à laquelle un titre appartient. C’est notamment le cas chez Kazé et Kana qui utilisent le rose.
D’autres utilisent la tranche, comme Soleil manga, Delcourt-Tonkam et Glénat. Ce procédé est d’ailleurs très utile puisque dans les rayons des librairies, les différents volumes sont visibles par son biais. On sait ainsi très vite qu’on a à faire à un titre classé shôjo selon l’éditeur.
Enfin, quelques-uns d’entre eux choisissent de ne pas faire ce genre de distinction, que ce soit via leur logo ou la tranche tels Akata, Doki-Doki ou encore Panini.
Le titre
Dans les textes présents sur une couverture, on compte trois éléments : le titre, le numéro du tome ainsi que le nom de l’auteur.
Afin de garantir une certaine harmonie visuelle, le numéro de tome ainsi que le nom de l’auteur(e) sont en concordance avec le titre, que ce soit par le choix de la typographie ou de la couleur. Que son style soit simple ou plus élaboré, le titre tient une part non négligeable dans l’apparence de la couverture, au point de constituer un logo à lui seul. Nous concentrerons notre analyse sur cet ingrédient majeur.
Une ou des typographies ?
La typographie s’aligne elle aussi sur l’ambiance du manga ou tout du moins vise à coller à sa thématique. Ainsi dans Scary lessons, on a fait appel à une police fantaisie dans le style « trash » pour représenter le sang qui coule. A contrario, si dans Le secret de l’amitié le titre utilise aussi une police scripte, celle-ci est beaucoup plus douce et arrondie, comprenant diverses courbes en fin de lettre.
Certains titres contiennent plusieurs polices appartenant à des familles différentes, deux au maximum en général. Cela permet d’accentuer un mot ou créer un contraste entre deux de ses constituants. Dans Cheeky love, « cheeky » correspond à une typographie de la famille des scriptes, alors que « love » s’intègre dans le style des polices avec empattement rectangulaire (serif).
D’autres ne comportent qu’une seule fonte comme Masked noise, très sobre puisque sans empattement (sans serif).
Par ailleurs, il est à noter que les polices originales, tirant vers le manuscrit ou serif ont la faveur des graphistes. Elles sont d’ailleurs souvent associées les unes aux autres, pour un effet garanti.
Les effets de texte
Une autre façon d’apporter du dynamisme à un texte tout en maintenant une typographie analogue consiste à créer des effets de texte : opposition majuscules minuscules, taille différente des caractères, ombrages, coloris, etc.
Certaines titrailles se distinguent par l’association de majuscules et minuscules, ce qui permet de garder la même police. De cette façon, les termes en majuscules seront mieux mis en avant. On peut prendre l’exemple de This teacher is mine dont les mots « teacher » et « mine » sont en majuscules. Ils ressortent beaucoup mieux. On comprend alors qu’il est question de « romance » entre une jeune fille et son professeur.
Les éditeurs vont parfois accentuer les mots importants en utilisant une taille de caractères plus grande. Les mots vides (le/la/les, et, etc.) figureront en seconde place comme dans Ange ou Démon.
D’autres titres sont agrémentés d’ombrages tel le shôjo Sister and Vampire. Le fond de la couverture étant particulièrement chargé avec de nombreux détails, cela permet de le voir davantage.
Enfin, les graphistes font aussi le choix d’utiliser plusieurs teintes s’amusant notamment avec les oppositions entre couleurs complémentaires ou non. Quasiment tous les titres évoqués ci-dessus sont dans ce cas. Toutefois, un shôjo se démarque : Black prince & White prince. On peut remarquer que la partie correspondant à « black prince » est bleu très clair sur fond bleu nuit, tandis que pour celle de « white prince » c’est l’inverse. Bien trouvé, n’est-ce pas ?
Stylisation de certaines lettres et symboles
Parfois, certaines lettres ou symboles ont une apparence plus stylisée, en raccord avec la thématique du manga.
Dans Duellistes – Knights of flower, le D est traversé par une épée et l’empattement du haut remplacé par ce qui ressemble à des ailes. De même, La princesse et la bête remplace l’accent circonflexe de « bête » par une couronne.
Présence d’un logo
Quelques titres attachent à leur visuel un ou plusieurs logos, que ce soit en arrière-plan ou autour. Prenons Akuma to love song qui unit une typographie de style gothique à une croix, représentant le motif du pendentif de l’héroïne.
D’autres couvertures entrent dans cette catégorie avec notamment Jumping, et son cheval représenté comme s’il sautait l’obstacle du titre, dont la barre est située au-dessous. Je pense aussi à Love under arrest qui lui est entouré de menottes. Il ne faut pas y voir une connotation sexuelle quelconque mais plutôt l’illustration de l’autorité du personnage occupant le poste de policier.
Les illustrations
Il s’agit la plupart du temps d’un personnage (principal mais les secondaires ont aussi leur place) ou d’un couple. Le fond peut être blanc ou coloré, composé ou non d’ornements. Pour ces derniers, les graphistes optent fréquemment pour des cœurs, fleurs, ronds ou autres étoiles. Ces formes, fréquemment arrondies – ou dont on force les courbes – évoquent la féminité et la douceur. Le tome 1 de Too bad I’m in love en est le parfait exemple : les branches des étoiles sont loin d’être pointues.
Nous n’observons pas de tendance particulière. En revanche, toutes les couvertures d’une série ont un type de fond identique. Ce sont parfois des scénettes comme pour Le sablier, où les illustrations montrent le temps qui passe.
Toujours dans la volonté de conserver une cohérence au sein d’une série, certaines couvertures utilisent un détail récurrent. Ça peut être le même personnage ou une mascotte. Le pacte des yokai présente toujours Natsume, le héros, sur chacune de ses couvertures. Quelquefois seul, il est aussi soit accompagné de Maître Griffou, soit de personnages secondaires ou alors de yokai.
En complément, n’hésite pas à regarder cette interview réalisée par Bruno Pham des éditions Akata, dans laquelle il s’entretient avec Solene, la graphiste de Soleil.
Couverture française vs. couverture japonaise
Identifions des tendances, des différences entre les couvertures à la française et celles des éditions originales.
- Les couvertures japonaises sont moins girly : il y a moins de couleurs pastels, moins de rose
- Les couleurs sont parfois plus vives, contrastées et flashy (on voit beaucoup de fushia, rouge qui côtoient des bleus électriques ou des verts très vifs)
- A l’image des mangas d’Hakusensha, les éditeurs japonais ont des chartes graphiques facilement reconnaissables (voir exemple de l’Académie Alice ci-dessous)
L’académie Alice
Une couverture plus travaillée, plus détaillée… et bien plus jolie ! Le visuel est le même, mais un arrière plan a été ajouté.
La courtisane d’Edo
Une couverture très fidèle à la couverture originale japonaise. Seul un travail d’adaptation à la langue a été fait (l’écriture verticale en japonais a été basculée en écriture horizontale en français)
Rouge Eclipse
Une couverture totalement différente entre la version française et japonaise
Comme nous le disions en préambule de cet article, la couverture est un élément très important dans la décision d’achat, c’est pourquoi certaines auteures font le choix délibéré, mais risqué, de casser tous les standards que nous avons pu citer ci-dessus !
C’est par exemple le cas de Kazune Kawahara avec Mon histoire où les couvertures évoquent plus un shônen qu’un shôjo (voir exemple ci-contre) ou Nikki Asada avec son manga Bienvenue au club. Ce shôjo est un ovni ! Chaque couverture est différente. Il n’y a aucune cohérence visuelle d’un tome à l’autre.
C’est très audacieux car les « raccourcis » d’achat habituels n’opèrent pas. Il t’est certainement déjà arrivé de passer dans un rayon et de prendre instinctivement le dernier volume d’une série parce que tu en auras reconnu du premier coup d’œil le logo du titre. Avec Bienvenue au club, il est impossible de faire ça puisque la couverture change tout le temps (voir les couvertures japonaises de Bienvenue au club sur Manganews). C’est original et son manga sort du lot ! On en parle… et on l’achète.