Autant le sexe peut être un sujet tabou dans la société actuelle, chez les asiatiques notamment, autant dans les mangas, il est bien présent. J’ai toujours été étonnée du baiser si chaste que l’on retrouve dans les drama en comparaison avec celui que l’on retrouve dans certains shôjo, josei, et j’en passe. Mettons de côté le hentai et concentrons nous sur cette vision de l’acte sexuel dans ces mangas pour un public composé à la base de jeune adolescentes et de jeunes femmes.

Personnellement, une scène de sexe m’a toujours émoustillée, intéressée. Lorsque ce fameux moment arrivait, j’avais envie de voir mon héroïne passer le cap avec son petit-ami, parce que c’était quelque chose d’important.

Mais nous savons tous que le sexe, ce pas que du tout beau et du tout bien. N’oublions pas la violence que peut engendrer un acte sexuel non consenti, ou juste la simple déception parce que ça ne s’est pas passé comme prévu. Ou encore juste le sexe pour du sexe, sans sentiment, sans rien. Et enfin, le sexe comme un simple rapport à l’homme, comme une obligation de le faire pour l’autre.

Aujourd’hui, le manga œuvre assez bien pour montrer toutes ces facettes de cet acte. Certaines scènes sont très douces, d’autres n’en ont que faire de la censure et montrent ce qu’il y a à montrer. Mais pour en rester dans le thème du shôjo/josei, jusqu’à maintenant, je ne suis encore jamais tombée sur une scène trop choquante. La pilule passe, même si parfois c’est assez dérangeant.

Cet article classifie l’acte sexuel dans les shôjo en quatre catégories citées précédemment, en prenant appui sur des mangas précis. Attention il y a risque de spoiler pour les personnes n’ayant pas lu le premier tome de Say I Love you.

L’idéalisme du sexe

Il est certain que l’acte sexuel avec l’être aimé est un rêve qui ne cesse de mûrir dans l’esprit de toutes les jeunes filles en fleur. Quoi de plus beau que de rêver de sa première fois avec le Prince charmant de ses rêves ? Une première fois parfaite, pleine de douceur et surtout conforme à tout ce à quoi on a toujours rêvé. On attend donc ce fabuleux jour en faisant des plans sur la comète, en imaginant ce doux moment qui nous fera atteindre le nirvana.

Les longues séries où l’on peut deviner facilement avec quel garçon l’héroïne finira sont celles qui correspondent à ce critère, puisque faire l’amour avec cette personne est un geste très important, geste qui tardera à arriver dans la série.

Bien sûr, les tentatives sont nombreuses : ils dorment ensemble, se retrouvent soudain beaucoup trop proches, sont seuls à la maison, etc. mais JAMAIS, ils ne pourront arriver à bout de cette interminable attente (enfin si, à la fin quoi). C’est généralement dans ce genre de série qu’il y a les situations extrêmes où l’héroïne est tellement timide qu’un seul contact physique est déjà un grand pas.

Si je commence, je ne pourrais plus m’arrêter

Dans beaucoup d’histoires, l’héroïne tombe amoureuse d’un garçon avec déjà une expérience sexuelle derrière lui. C’est le cas notamment pour Say I love you de Kanae Hazuki. Dans cette même catégorie, on peut y ajouter Hiyokoi ainsi que C’était Nous et La Rose et le Démon, bien que ce dernier soit plus explicite encore.

Illustrations de Say I Love you, Hiyokoi et La Rose et le Démon
Illustrations de Say I Love you, Hiyokoi et La Rose et le Démon. La question que tout le monde se pose : « Vont-ils s’embrasser ? »

Du pur, du simple et grand kawaii comme on l’aime, le « so cute » par excellence. On a, certes, envie de voir les protagonistes évoluer et grandir, mais pourtant on garde une réserve. L’innocence est tellement attendrissante qu’on s’en satisferait presque. Objectivement, c’est peut-être ce qu’on pourrait regretter dans le shôjo…

Si l’on devait ne garder qu’un seul manga pour traduire cette catégorie, Say I love you serait le plus approprié. Il montre l’acte sexuel de plusieurs manières et d’un point de vu assez réaliste, c’est pourquoi il est si captivant. Même si l’héroïne est un peu frigide, les situations sont cocasses et l’on ne doit pas attendre une éternité pour avoir droit à un baiser puisqu’il arrive dés les premiers chapitres. Les protagonistes secondaires apportent aussi un côté mature, notamment l’histoire d’Aiko.

D’un côté nous sommes face à la relation Mei/Yamato, qui se construit lentement mais sûrement, et de l’autre, il y a la nuit furtive entre Aiko et Yamato. La beauté de l’acte et son sens premier sont écartés pour faire place à une normalisation des actes sans lendemain, le principe du « one shot ».

Les paires Yamato/Aiko et Yamato/Mei. La première semble sans émotions. La seconde est beaucoup plus douce et mignonne.
Les paires Yamato/Aiko et Yamato/Mei. La première semble sans émotions. La seconde est beaucoup plus douce et mignonne.

La banalisation du sexe

Quoi de pire que de croire que le sexe résout tous les problèmes lorsqu’on est au bout du rouleau ? Durant bon nombre de nos lectures nous avons rencontré ces jeunes filles volages qui ne se respectent pas et qui n’éprouvent aucune considération pour elles-mêmes.

Leur corps n’est qu’une arme de défense et de séduction. Prenons l’exemple de Marie, l’un des personnages du shôjo Lovely love lie. Elle manque cruellement de confiance en elle malgré ses nombreux talents. Sa vision d’elle-même est complétement biaisée face aux autres et surtout face à la gent masculine. Son seul point d’ancrage est celui qu’elle arrive à trouver dans le regard des hommes lorsqu’elle arrive à les attirer dans son lit. Elle en est réduite à n’exister qu’au travers d’un acte vide de sens et de signification. C’est l’unique moyen d’expression qu’elle connaisse et le seul qui lui permette d’être rassurée.

La métamorphose de Adachi dans No Longer Heroine : de la fille qui se croit être heureuse à une fille blessée
La métamorphose de Adachi dans No Longer Heroine : de la fille qui se croit être heureuse à une fille blessée

Adachi, la fausse-héroine de No Longer Heroine est aussi un personnage dont le comportement change. La demoiselle s’est décidée à sortir avec Rita et ne voulait que le bonheur du garçon, sans vraiment se soucier d’elle-même dans la relation. Elle avait la chance d’avoir un beau jeune homme alors qu’elle ne se trouvait pas jolie. « S’il doit me quitter, c’est son droit » disait-elle. Peu de filles pensent ainsi dans les shôjo, et l’attitude qu’elle adoptera dans les derniers tomes ne feront que la mettre en danger encore plus.

Marie et Adachi se cherchent toujours et ne cessent de se détruire progressivement, physiquement et mentalement parlant.

En quittant les héroïnes, ce comportement se rapproche assez de celui de Shinichi Okazaki dans le manga Nana de Ai Yazawa. Ce dernier se prostitue alors qu’il n’a que 16 ans, mais arrêtera quand il rencontrera une personne spéciale à ses yeux. La prise de conscience par quelqu’un qui tient à eux est d’ailleurs la solution miracle pour une grande partie de ces protagonistes enfermés dans ce cercle vicieux du sexe.

Le sexe non-consenti

Non, l’amour n’est pas tout bien et tout mignon. Le viol est un sujet assez lourd, dur à traiter et à mettre en image sans tomber dans le lugubre dérangeant. L’une des critiques que l’on peut formuler est celle résultant de la volonté de l’auteur à justifier le comportement déviant du bourreau. En entendre parler, ça met mal à l’aise, mais le lire aussi. Les séries Enfer Bleu et Honey x Honey traitent parfaitement le sujet : notre héroïne tombe amoureuse de son tortionnaire, malgré le côté malsain de la situation.

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La couverture du premier tome de Enfer Bleu, l’héroïne adopte une pose très suggestive.

Enfer bleu est un titre plein de résonance qui colle parfaitement à cette thématique. Il annonce la couleur sans équivoque : sous couvert d’un cadre idyllique, nous découvrons la vie d’une jeune fille en pleine souffrance ayant pour seul échappatoire « le grand bleu ». Les relations sexuelles sont présentées de manière sombre et violente. Nous sommes loin des sentiments amoureux beaux et purs. Contrairement aux shôjo traditionnels, l’héroïne a perdu son innocence de façon brusque et sans douceur. Ses sentiments et son corps ont été bafoués et souillés.

Nous observons de façon passive et impuissante son enfer constant malgré ses beaux sourires et sa façade de perfection. Le caractère grave de l’histoire est conditionné par le fait que l’héroïne vive sous le même toi que son bourreau puisque ce dernier n’est autre que son frère adoptif.

En parlant de bourreau, il existe un vrai lien malsain unissant le tortionnaire et sa victime. Un lien entre amour, reconnaissance, soumission et destruction. Il est à la fois son sauveur puisque grâce à lui elle est toujours en vie et pourtant c’est celui qui la pousse à vouloir disparaitre de ce monde.

Cependant on découvre les motivations de ses actes et on pourrait même en arriver à de la compassion. C’est peut-être ici que réside la beauté du shôjo, en venir à rendre humain un être capable de monstruosité. Il faut saluer la manière dont la mangaka a traité le sujet du viol qui est, rappelons encore une fois, tellement délicat. Tout se tient et suit une ligne directrice ayant pour but de diffuser un message.

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Images extraites de Enfer Bleu, Diabolik Lovers et Honey x Honey.

Dernièrement, l’anime Diabolik Lovers s’est aussi approché de cette thématique, en mettant en scène une jeune fille entourée de vampires. Elle n’était juste que de la viande à leurs yeux, et les scènes entre elle et les garçons laissaient toutes de nombreux sous-entendus en rapport avec l’acte sexuel, que ce soit dans les positions suggestives des vampires, le langage utilisé tout le long ou bien encore les gémissements des seiyuus. La demoiselle était désirée et ne pouvait rien faire d’autre que de subir tour à tour les attaques de ses compagnons. C’était primitif, rien que ça.

Le sexe, un rapport humain

Très souvent, la grossesse est présentée comme une punition et non pas une volonté de fonder une famille à deux (il n’y a qu’à lire Nana et voir les déboires de Hachiko lorsqu’elle tombe enceinte). Il est certain qu’entre le lycée et le monde adulte, les enjeux ne sont pas les mêmes mais il reste important dans les deux cas.

Très souvent c’est l’acte sexuel qui est mis en avant : le besoin de passer à l’acte sans prise en compte des facteurs secondaires qui, en définitive, peuvent avoir une importance capitale. Le fait de tomber enceinte n’est pas une circonstance négligeable. C’est ici que l’on constate que la maturité reste importante.

Illustration du josei Happy Marriage ?! de Maki Enjoji
Illustration du josei Happy Marriage ?! de Maki Enjôji

C’est peut-être là que se fait la scission entre le monde du shôjo et à celui du manga plus mature : le josei. Prenons l’exemple de Happy Marriage ?! et Paradise Kiss. Nous sortons complétement du monde lycéen et s’ouvrent à nous les portes du monde adulte. Certes, dans Paradise Kiss, l’héroïne est lycéenne, mais l’histoire ne tourne pas autour de l’école et se passe ailleurs. Les sentiments entre les deux protagonistes principaux ont très vite vu le jour. Ici, l’acte sexuel est en tous sens différent de celui des shôjo.

Nous sommes beaucoup plus dans l’érotisme et le charnel. Les partenaires sont dans une optique de transmission de sentiments, c’est le moment direct pour communiquer son amour et son affection. On est dans une recherche de l’épanouissement féminin alors que dans le shôjo, ce sont les balbutiements du sexe traduit par la pudeur de l’héroïne, qui est encore lycéenne.

En comparant le shôjo au monde réel, il est nécessaire de dire que le fond principal est vrai : une première fois idéale n’est pas similaire pour tous. Nous n’avons pas la même conception de la perfection et donc d’un moment idéal. C’est justement ce qui le rend tellement unique, spécial et surtout si précieux.
Cela dit, il faut prendre du recul et ne pas oublier qu’il s’agit-là de fictions. Toute cette pudeur apparente dans la société nippone se traduit depuis plusieurs années dans ces histoires, dans ces mangas. Le livre illustré n’a pas de limites et devient le support des non-dits ainsi que des fantasmes des hommes et des femmes, puisque le Yaoï et le Yuri en sont les exemples parfaits et nous font accepter de nouveaux critères moraux.

Nous arrivons à la fin de cet article ! Mais toi, quel est ton avis sur ce thème dans les shôjo ? N’hésite pas à nous en parler en commentaire, nous avons hâte de savoir ce que tu en penses !

Matou

Romance dans l'air et beaux graphismes, rien ne m'échappe. Ces deux critères réunis, ma conscience est en paix et me voilà prête à savourer mon manga.

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1 commentaire

  1. Félicitations pour cet article. Il est souvent très compliqué de parler de sexe dans les shojo même s’il est souvent évoqué. Au moment de passer à l’acte je ne peux pas m’empêcher d’être un peu déçue que l’héroïne perde cette « pureté » qu’elle avait au début (j’ai du mal avec le changement). Par contre dans Switch Girl par exemple, j’ai presque été soulagée. Nika n’ayant jamais été vraiment du genre pur et timide. Je suis bien tentée de lire Enfer bleu. Je vais sûrement le chercher. J’espère ne pas trop déprimer après

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