La Rose de Versailles, le film

Affiche du film d’animation La Rose de Versailles

Il m’aura fallu un bon mois pour revenir sur le film La Rose de Versailles. On ne présente plus ce titre phare du manga et du shôjo manga. Mais que dire de ce film, sorti à l’occasion des 50 ans de la série ?

Parler de La Rose de Versailles (Versailles no Bara, également connu en France sous le nom « Lady Oscar »), c’est parler d’une héroïne, Oscar François de Jarjayes, et d’un manga qui ont marqué plusieurs générations. Encore aujourd’hui, le titre est un incontournable du shôjo manga. Cette œuvre, réalisée par Ryoko Ikeda, nous plonge dans le faste de la cour de Versailles sous Marie-Antoinette et Louis XVI, avant que les revendications du peuple et la contestation d’une partie des nobles ne viennent souffler le vent de la révolution.

Si tu ne connais pas Versailles no Bara, et/ou si tu n’as pas vu le film et souhaites garder l’effet de surprise, je te conseille de découvrir d’abord l’œuvre, avant de lire ma modeste chronique. Je vais en effet dévoiler certains éléments de l’intrigue…

L’incontournable Rose de Versailles

Comme je le disais en introduction, ce film de Versailles no Bara célèbre les 50 ans de la série. Mais déjà, au milieu des années 2000, des rumeurs couraient sur un projet de film mené par la Toei animation (Sailor Moon, Lovely Complex, Precure, Gokinjo Monogatari…). Feu Shingo Araki (l’artiste est décédé en 2011) était pressenti pour assurer le chara-design du film. Araki est bien connu pour son excellent travail sur l’anime La Rose de Versailles, réalisé par le studio TMS (Honey Lemon Soda, Fruits Basket, Orange…)  

Les spéculations vont bon train. Les fans du monde entier attendent et désespèrent de voir un jour La Rose de Versailles sur grand écran. Il faudra attendre 2022 pour que le projet revoie enfin (et officiellement) le jour. Il sera réalisé par le studio MAPPA (Yuri on ICE!!!, Banana Fish… ) et célébrera les 50 ans de la série. Une célébration tout en musique, qui reprendra les codes du Takarazuka. En effet, la compagnie théâtrale japonaise est notamment connue pour avoir adapté Versailles no Bara (Verubara, pour les intimes). Ne reste plus qu’à constituer une équipe. La réalisatrice Ai Yoshimura prend en charge le film. Elle s’entoure de la scénariste Tomoko Konparu, de la character designer Mariko Oka, et des compositeurs Hiroyuki Sawano et Kohta Yamamoto.

Au Japon, le film La Rose de Versailles est sorti au cinéma, en janvier dernier. Mais à l’international, il est lancé directement en VOD, sur Netflix, le 30 avril. 

Avant-propos

Tout d’abord, je tiens à te préciser que j’aime beaucoup l’univers de Verubara. C’est dire ma joie de pouvoir voir le film ! Mais la joie s’est vite transformée… en effroi. Si j’avais regardé les bandes-annonces, j’aurais pu avoir un aperçu du film… mais je voulais garder la « surprise » intacte.

La surprise a effectivement été au rendez-vous, mais pas dans le bon sens. Je stoppe tout de suite le suspense : je n’ai pas aimé le film. Tu trouveras sur internet divers avis et analyses : des avis positifs, et d’autres, comme les miens. Les avis positifs applaudissent notamment le « coup de jeune » apporté par la réalisatrice Yoshimura et le studio MAPPA. Les images sont clinquantes, tout en respectant globalement le style d’origine.

Les avis négatifs, dont le mien, relèvent au contraire une orientation « comédie musicale » malheureuse, un style graphique trop enfantin, et un scénario pauvre, qui ne rend pas hommage à l’œuvre d’origine. 

Le choix de la comédie musicale

Le choix de MAPPA est pour le moins déroutant. Certes, il se base sur les excellentes représentations du Takarazuka. Mais ce qui marche au théâtre ne marche pas forcément en film d’animation. Ici, la théâtralité apportée par les musiques et les choix de réalisation passe sous silence les enjeux socio-politiques, et enlève tout charisme aux personnages (surtout Oscar… un comble !) 

Si tu connais l’univers de La Rose de Versailles, tu parviendras à recoller les pièces du puzzle. Mais la frustration n’en sera que plus grande… du moins, à mon humble avis. En revanche, si tu découvres la série avec ce film… ce n’est franchement pas la manière la plus heureuse de découvrir Verubara

Ce film met « le paquet » sur la romance. Le problème, c’est que Versailles no Bara n’est pas une romance. Je ne dénigre pas les romances. Bien au contraire ! Elles sont un genre capital dans les mangas, tout comme dans les autres médias culturels. Il y a bien entendu de la romance dans La Rose de Versailles, à commencer par celle entre Marie-Antoinette et Fersen. Mais elle n’est pas l’élément central du récit. L’élément central, c’est l’histoire de France.

Où est passée l’histoire de France ?

Le plus grand problème du film est qu’il occulte le protagoniste principal : l’histoire de France. Cette histoire devient reléguée à l’arrière-plan. À la place, le film nous présente un catalogue de scènes à l’emporte-pièce. Les années défilent, condensées dans des séquences sur fond de musique pop qui irrite les oreilles… MAPPA a voulu raconter toute l’histoire de Verubara en 1h52. Le pari était audacieux. Il est visiblement perdu. 

Il est difficile de comprendre ce film si l’on ne connaît pas l’œuvre d’origine. On pourra certes se raccrocher à ses connaissances historiques… qui souligneront encore plus les lacunes du scénario. Les événements politiques sont expédiés au lieu d’être correctement traités. A contrario, des événements complètement discutables sont mis au premier plan. 

Exemple avec deux scènes également présentes dans le manga d’origine : la tentative d’empoisonnement et de viol d’André. Je suis vraiment navrée de commencer la présentation des personnages par ce sombre épisode qui, à mon sens, n’avait rien à faire dans le film et dans le manga. Tu objecteras peut-être que la présence de cette scène dans le manga pouvait se justifier par le contexte de l’époque (le manga date des années 70). Je te rappelle néanmoins que Versailles no Bara parle aussi de l’émancipation des femmes, à travers le personnage emblématique d’Oscar, capitaine de la Garde Royale, puis des Gardes Françaises. Or, dans ces deux scènes, c’est comme si l’on avait oublié ce fait, pourtant capital.

Scènes contestables

On pourrait émettre une autre hypothèse : l’amour désespéré d’André expliquerait son geste fou. Depuis son enfance, le domestique est effectivement amoureux d’Oscar. Sa famille travaille pour celle d’Oscar, mais les deux jeunes ont grandi comme « deux frères ». Au début, André se contente de sa position. Mais alors que les tumultes socio-politiques rendent leur quotidien de plus en plus instable, André (déjà affaibli physiquement) n’arrive plus à se contenter de cet amour à distance. S’il ne peut aimer Oscar (elle aussi, malade) personne ne l’aimera. Il décide donc de l’empoisonner, mais se ravise au dernier moment. Dans une autre séquence, il tentera de la violer. 

Le problème de cette théorie de « l’amour désespéré » est qu’elle romantise des crimes. Essayer d’empoisonner quelqu’un ou de le.la violer sont des crimes. C’était vrai dans les années 70. Ça l’est bien sûr toujours aujourd’hui. Passer par des crimes pour justifier l’amour n’a pas de sens. Hélas, aujourd’hui encore, certain.e.s pensent que le « crime passionnel » existe : on tue l’autre à force de trop l’aimer. C’est tout le contraire : on tue l’autre car on ne l’aime pas. Je rappelle que l’expression « crime passionnel » n’est pas juridique. Un crime est un crime. C’est tout.

À mon sens, cette réaction d’André n’a rien de romanesque. Elle est terrifiante. Elle ne correspond d’ailleurs pas à son personnage (je me permets ce petit commentaire…). Mais comment MAPPA a-t-il pu décider d’intégrer de telles scènes en 2025 ? Je précise ici que si le studio a gardé la tentative d’empoisonnement, il a tenté de supprimer la tentative de viol… Il y aura effectivement une relation consentie entre Oscar et André, mais le scénario montre une Oscar qui, après avoir proposé à André de passer à l’acte, se dérobe. Mais André, soudain émoustillé, la jette sur le lit, et se jette sur elle… finalement, elle lui cède. Elle avait « juste » peur.

Voilà une bien horrible manière de présenter un acte censé être amoureux. Encore une fois, je m’étonne du choix de la réalisatrice et de la scénariste. Pourquoi présenter l’héroïne ainsi ? Cette scène renvoie un message absolument répugnant : la parole des femmes est déconsidérée. Car en vérité, Oscar fait ce qu’elle veut. Si elle dit « oui », pour ensuite dire « non », c’est « non ». Bien sûr, le film montre qu’Oscar se réchauffera vite dans les bras de ce cher André… Il aurait donc été plus simple de ne pas montrer cette violence (la montrer paniquée, voulant s’enfuir, être jetée par quelqu’un sur le lit). Je me demande quel message ce genre de scène envoie-t-il aux jeunes filles, aux femmes ; aux jeunes hommes et aux hommes ? C’est vraiment triste.

Oscar, sans le charisme

Ce triste passage m’amène au dernier point de ma modeste chronique : les personnages. À l’origine, l’héroïne de Versailles no Bara, Oscar François de Jarjayes, est une femme charismatique. Elle ne craint pas de se frotter au danger et lutte pour la justice. Elle est forte intellectuellement et physiquement. Hélas, le film, avec son scénario haché, enlève tout le charisme d’Oscar. Elle devient presque un personnage secondaire assez transparent. Elle semble parfois faire partie du décor théâtral. Un décor bien trop « pop » à mon goût. Trop de couleurs vives, trop de légèreté, trop de fleurs à foison. C’est comme si on avait poussé à fond tous les curseurs du kitsch et des clichés sur le shôjo. D’ailleurs, le chara design des personnages est enfantin. Difficile de saisir la tension dramatique dans ce décor trop rococo. Les musiques intempestives rajoutent de la lourdeur. C’est simple : on dirait par moments qu’ils se réjouissent de tout, ou qu’ils ne comprennent pas la gravité de l’instant : exemple avec cette chanson du peuple, vers la fin du film… on dirait vraiment qu’ils partent en guerre comme ils partiraient faire la fête !

Revenons à Oscar : il n’y a que vers la fin du film qu’elle retrouvera un peu de sa prestance. Un peu seulement… Les autres protagonistes ne sont pas non plus mis en valeur. Ils sont presque réduits à des caricatures : Marie-Antoinette est la frivole éprise de son Fersen, Louis XVI est le pauvre éconduit, Fersen est l’amant malheureux… Aucun d’eux n’est intéressant. 

Le film décide d’occulter des séismes politiques de grande ampleur, comme la célèbre « affaire du collier ». C’est pourtant cette affaire qui précipitera les monarques vers la chute. Hélas, on l’a dit : le film ne s’intéresse pas à l’histoire de France, mais à l’amour entre Fersen et Marie-Antoinette. Un amour qui était bien moins romanesque dans la réalité…

Je pense que le grand problème de ce film anniversaire est qu’il a voulu condenser des années d’histoire en 1h52 de mièvreries. Il aurait été plus judicieux de partir sur une série de plusieurs films. Problème de budget ? On aurait tout aussi bien pu faire un film, mais en se concentrant sur une période l’histoire de France. Par exemple, on aurait pu commencer dans la tourmente de l’affaire du collier, quitte à revenir, par quelques flashbacks appropriés, sur le passé de la reine, en mode « comment en est-on arrivés là ? ». À mon sens, le film aurait dû être plus grave, plus mature. Il est tout de même question de conflits socio-politiques, du dénuement de la population… Hélas, tout ça est balayé par un scénario superficiel. C’est vraiment dommage.

As-tu vu le film de La Rose de Versailles ? Qu’en as-tu pensé ? Je serais ravie de découvrir ton avis ! Ai-je été trop rude dans mes propos ? Je tenais à souligner qu’avec une telle œuvre (et toutes les données historiques actuellement disponibles), il était quasi-impossible de se rater. D’où mon étonnement. Si tu souhaites te plonger ou replonger dans La Rose de Versailles, je te recommande vivement le manga d’origine et l’anime, qui a bien réussi à retranscrire l’œuvre d’Ikeda. Les musiques de l’anime sont poignantes et sont aussi totalement raccord avec l’univers. Mention spéciale au générique de début et de fin. Ainsi, tu (re)découvriras toute la richesse de Versailles no Bara.

Affiche du film d’animation La Rose de Versailles
La Rose de Versailles, le film
En bref
La Rose de Versailles, le retour. La série phare de Ryoko Ikeda, phénomène shôjo manga, a fait son entrée à l'international le 30 avril dernier (sur Netflix). Le studio MAPPA a voulu relever un défi de taille : condenser le riche univers de la série en un seul film... Le pari est-il réussi ?
Scénario
2
Personnages
2
Chara-design
6.5
OST
1
Animation
7.5
Ta note0 Note
0
Point(s) positif(s)
Oscar est (enfin) un peu respectée vers la fin...
Point(s) négatif(s)
Les musiques !!
Le scénario !!
Les personnages réduits à des caricatures, des figurants... dur.
Le chara-design enfantin (surtout au début ; trop de courbes, trop de couleurs flashy)
Je pense que je vais m'arrêter là pour les points faibles...
3.8
Note globale

Asa

Chroniqueuse manga, anime, Japon, à la sauce okonomikki. Vive les senbei è_é !!

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