En novembre, Panini a sorti le fameux Dit du Genji, adaptation du célèbre roman de Murasaki Shikibu. Enfin, l’heure est venue pour moi de me plonger dans le luxe débridé de la vie de cour…
Le Dit du Genji, un classique de la littérature japonaise
Tu as sûrement déjà entendu parler du Dit du Genji. Ce roman-fleuve, classique de la littérature japonaise, est l’œuvre de Murasaki Shikibu. La romancière était également une aristocrate, qui a vécu à la cour de l’ère Heian (Xe-XIe siècles). Son récit, bien que romancé, est donc aussi un témoignage de son temps. En 1979, Waki Yamato sort Asakiyumemishi chez la Kôdansha. Le shôjo manga, adaptation du Dit du Genji, devient vite un incontournable. Depuis sa sortie, il a été réédité plusieurs fois, mais n’était jamais paru dans nos contrées. C’est désormais chose faite avec Panini. L’éditeur nous propose la dernière réédition japonaise, sortie en 2021, qui condense le manga en 7 tomes. Des tomes assez grands et denses, mais qui offrent une belle prise de main. L’illustration de couverture révèle à la fois le raffinement et la douceur. D’autres illustrations couleur sont à découvrir dans le manga.
Bienvenue à la cour de Heian
Début du XIe siècle, Japon. L’Empereur préfère la compagnie de ses épouses de second rang à celle de son épouse principale, la Dame du Kokiden. Cette dernière ne s’en émeut pas, jusqu’à ce qu’elle constate qu’une épouse de second rang a supplanté les autres. Elle s’appelle Kiritsubo, et occupe toutes les pensées de l’Empereur. Et pas seulement les pensées ! Kiritsubo, bien que de rang inférieur, monte dans la hiérarchie aristocratique… jusqu’à prendre la place de la Dame du Kokiden. Certes, son modeste rang ne lui permet pas de devenir impératrice. Mais dans les faits, c’est bien Kiritsubo qui apparait désormais aux côtés de l’Empereur.
La Dame du Kokiden commence à s’inquiéter. Pourtant, l’Empereur et elle ont eu un fils. La succession est donc assurée. Mais que se passerait-il si Kiritsubo tombait enceinte d’un garçon ? Les craintes de la première épouse se confirment : Kiritsubo accouche d’un garçon. Deviendra-t-il le futur empereur ? Il a en effet toutes les qualités pour le devenir. Il brille, tant par sa beauté que par son doux caractère et son intelligence. La Dame du Kokiden panique. Mais son calme revient lorsqu’elle découvre le titre que l’Empereur donne au garçon : « Genji ». Ce nom, qui signifie « Prince radieux », signifie aussi que le garçon ne pourra jamais devenir empereur…
La naissance de Genji, le Prince radieux…
Le Dit du Genji, ou la vie mouvementée d’un prince mélancolique
Je ne connaissais Le Dit du Genji que de nom. J’envisageais d’acheter le roman, mais l’idée est tombée dans ma cervelle oublieuse… C’est en lisant le manga que l’idée m’est revenue. C’est dire l’effet du manga !
Certains font le parallèle entre Genji et Dom Juan (en général, on parle de « Dom Juan » pour évoquer l’œuvre de Molière, et de « Don Juan » pour parler des autres œuvres). Les deux hommes sont en effet connus pour être de grands séducteurs. Mais la lecture du premier tome du shôjo manga nous montre que les deux personnages n’ont absolument rien en commun.
Si l’histoire retient le côté séducteur de Dom Juan (créé par Molière), elle oublie que le personnage est à l’origine un fourbe manipulateur, qui séduit moins par amour que par plaisir d’exercer une emprise sur autrui. Lui-même rejette toute forme de lien (qu’il soit positif ou négatif) et finit par ne plus rien ressentir du tout. Certains y voient la liberté au sens premier du terme. J’y vois plutôt l’aveuglement de l’homme orgueilleux qui pense se suffire à lui-même. Genji, au contraire, souffre d’aimer car son amour est impossible. Voilà la raison pour laquelle il court vers d’autres femmes. Il ne cherche pas à nuire, mais veut aimer et être aimé.
Genji adulte
Mais il convient ici de souligner que Genji adoptera des comportements immoraux et choquants. Aujourd’hui, il irait droit en prison. On ne peut se cacher derrière la formule « c’était l’époque ». Car même les personnages du manga s’émeuvent de la débauche dans laquelle tombe Genji. Le magazine en ligne Slate rappelle l’analyse de la traductrice Jakucho Setouchi, à qui l’on doit la traduction en japonais moderne. Pour la traductrice, Genji a commis des viols et des actes pédophiles.
Fastes et jeux dangereux à la cour
La lecture du manga est globalement fluide. Je reconnais cependant avoir mis du temps à distinguer les personnages féminins. Au début, les femmes se ressemblent trop. Elles et les autres protagonistes se font appeler par leur titre, ce qui ne facilite pas la compréhension. Mais petit à petit, tout se met en place.
Ce premier tome ne s’attarde pas seulement sur les amours du Prince radieux. Il situe l’intrigue dans un contexte politique : le monde de la cour. On constate que Genji n’est pas le seul à glisser dans l’interdit. D’autres aristocrates se roulent dans la luxure, pratiquent des jeux dangereux, manipulent, complotent… C’est dans ce monde débridé qu’évolue Genji. Loin d’en ressentir de la joie, il ne récolte que de la tristesse.
Mélancolie : voilà le sentiment qui ressort de ce premier tome. Le Prince radieux essaie de réparer son cœur meurtri dans les bras d’autres femmes. Il veut les aimer sincèrement et parfois, il y parvient. Mais son cœur retourne toujours aux sources de son amour… Le jeune homme semble parfois s’ennuyer, tout comme ses camarades aristocrates. On a l’impression que l’excès de richesse étouffe les personnages. Tous ces sentiments sont mis en valeur par le trait fin de Waki Yamato. La mangaka nous décrit bien le faste de la vie aristocratique. Ce premier tome explore la vie de Genji de sa naissance à l’âge adulte. La fin du tome nous laisse suspendus à un incroyable retournement de situation. Quel sera l’avenir du Prince radieux ?
Belle découverte ! Le manga me donne vraiment envie de me procurer le roman (le nombre de pages ne m’effraie pas^^’). Et toi, qu’as-tu pensé du Dit du Genji ?