Si, au Japon, le manga érotique à destination du public féminin possède sa propre sous-catégorie – intitulée teens’ love – et fait fureur, de notre côté du globe de tels récits sortent de manière plus sporadique. Le dernier titre coquin en date répond au doux nom équivoque du Charme de l’uniforme et est disponible chez Soleil.
Ce manga de Shin Kawamaru n’est pas à proprement parler un TL puisque ses chapitres ont commencé à être prépubliés dans le Betsucomi Deluxe (QQ Sweeper pour ne citer que lui), un magazine bimestriel affilié au Betsucomi, puis dans le Betsucomi Flowers. Néanmoins, il possède un fond érotique qui ne le destine pas à toutes les mains. Soleil Manga précise d’ailleurs en 4e de couverture qu’il est à réserver à un public averti. Et puis, entre nous soit dit, je voulais enfoncer le clou sur le manque de séries érotiques pour femmes. Nous aussi on veut vibrer !
Miu Sakuramori travaille au sein d’une entreprise de confection de poupées. Elle a un fantasme : pratiquer les 48 positions sexuelles du livre qui les décrit. Seulement, la partie de jambes en l’air tourne mal et la jeune femme se retrouve à la porte d’un love hotel. C’est là qu’elle croise par hasard son chef de service, Shirô Takeda, un jeune homme flegmatique et bosseur. Mal à l’aise, elle espère que celui-ci ne dévoilera à personne ce moment gênant.
Tandis qu’elle sauve le lancement d’une nouvelle poupée de la catastrophe, elle commence à sympathiser avec Shirô, qui lui exprime avoir une dette envers elle. C’est alors qu’elle lui fait une proposition plutôt osée pour l’éponger…
No zob in job ?
L’univers professionnel est l’occasion de rencontrer de nouvelles têtes et plus si affinités. Après tout, on passe une bonne partie de notre temps au travail : cela donne l’opportunité de faire connaissance avec ses collègues, les apprécier (ou les détester) et parfois d’en pincer pour l’un·e d’entre elleux. De tels liens sont même encouragés par les entreprises japonaises pour leurs salarié·e·s célibataires. En effet, il existe une application, payée par ces firmes, permettant de mettre en relation deux collaborateur·ice·s ensemble. Car un·e employé·e productif·ve est un·e employé·e heureux·se en amour. Pour ne pas tomber hors sujet, je m’arrêterai là puisque ce n’est pas le propos de l’œuvre.
Il n’est donc pas étonnant que la fiction s’empare de cette thématique avec autant de passion tant elle est propice à des scènes plus ou moins équivoques, en particulier dans les récits érotiques. Les regards dérobés, les baisers volés dans l’ascenseur, les quickies dans la salle de réunion ou le bureau du chef… Bref, t’as compris ! C’est convenu mais on en redemande, d’autant plus que l’attrait du danger d’être découvert·e ajoute nécessairement du piment.
C’est donc la raison pour laquelle Shin Kawamaru place naturellement son intrigue au sein d’une entreprise. Bien sûr, ce ne sera pas le seul lieu de l’action, mais il constitue le point central de la rencontre entre Miu et Shirô. En cela, je trouve l’histoire assez vraisemblable. On y croit. Non pas que je déteste les rencontres liées au destin ou tout autre phénomène hasardeux, au contraire (j’adore) ! Dans ce cas-ci, être pragmatique et réaliste me paraît une bonne chose. Il y aura suffisamment d’éléments loufoques pour accrocher notre intérêt.
Autre élément évocateur : l’activité de l’entreprise Gakukan. En effet, cette dernière fabrique des poupées. Je te vois venir avec ton petit sourire en coin, j’ai eu le même ! D’autant que l’on ne nous précise pas si la compagnie se charge uniquement de poupées « conçues pour les adultes » (sic) ou si c’est seulement un projet spécifique pour lequel l’héroïne travaille. Il reste à voir comment l’autrice l’exploitera, si elle le fait, ou s’il s’agit juste d’un prétexte pour ajouter du coquin au coquin. Il s’agit toutefois d’un élément mineur qui ne sera à mon sens pas préjudiciable si laissé de côté.
Un rapprochement inévitable
Dans le cas du Charme de l’uniforme, on sait très bien que les deux protagonistes visibles sur la couverture échangeront davantage que des politesses. C’est ce qu’on attend, et en cela je ne suis pas déçue. Ce premier tome sert à introduire l’univers dans lequel ils gravitent.
Ça commence par la scène d’ouverture dans laquelle Shirô aperçoit Miu en pleurs devant un love hotel, excuse toute donnée pour créer un lien plus profond entre eux. Quoi de mieux pour rapprocher deux êtres que de découvrir un secret embarrassant ? Lui comme nous, nous doutons qu’elle n’est pas venue enfiler des perles dans ce lieu dédié aux plaisirs de la chair, entre coups d’un soir (ou d’un jour), relations adultères ou tout simplement des couples qui cherchent à pimenter leur quotidien en s’accordant un moment d’intimité.
Passé cette gêne, tous deux semblent parvenir à travailler comme si de rien était, sauf que… Miu voit Shirô sous un autre jour, regardant avec désir ses petites fesses bien rebondies et s’imaginant le plaisir que faire l’amour avec lui, lui procurerait. Ce côté impassible, en apparence, attire ses rêves les plus concupiscents. Disons les choses clairement : ça l’excite !
Et l’événement du lancement presque raté de la poupée (évoqué dans le résumé) scelle ce rapprochement – qui était de toute façon inévitable. De la même manière que le shôjo lycéen a son voyage scolaire, son pendant avec des protagonistes adultes a le voyage d’affaires. Il peut tout se passer, en particulier s’il s’agit de concrétiser une relation – charnellement ou non. C’est à ce moment-là où notre héroïne passe à l’action. Car c’est elle qui mène la barque.
Toutes les pratiques sont dans la nature
Le charme de l’uniforme donne la part belle aux penchants fétichistes et diverses pratiques sexuelles qui peuvent exister. Un peu à la manière de Game – Entre nos corps où les héros décident d’entrer dans un jeu charnel sans attachement, Miu et Shirô conviennent de mettre en pratique le Livre des quarante-huit positions (sous-entendu sexuelles), équivalent japonais du Kamasutra. Plus précisément, Miu le lui propose : ce qui veut dire qu’il peut tout à fait refuser. Ça j’aime bien !
« Chaque individu cache en lui des penchants inavouables ». Cette phrase et ses dérivés souvent martelés au cours de ce premier tome nous rappellent que les apparences sont souvent trompeuses. Miu, fille de bonne famille à l’air un brin prude, se révèle plus coquine qu’on pourrait le croire au premier abord. Qualifiée de vraie perverse par son ancien petit ami, en guise d’insulte, cette femme sait ce qu’elle veut et assume – relativement bien – ses penchants dans la sphère privée. Elle pourrait passer pour nymphomane mais ce n’est pas comme cela que la mangaka nous la présente. En cela c’est très appréciable. Oui elle a des désirs, et après ? Tant qu’elle trouve un partenaire qui veuille bien jouer le jeu, c’est le principal. Sa mauvaise expérience la fait toutefois douter du regard que son chef peut porter sur elle, bien qu’elle reste déterminée.
Passée la stupéfaction de cette offre osée, Shirô accepte toutefois de s’engager sur ce terrain glissant. Et pour cause, lui aussi possède un penchant inavouable. Il paraît bien BCBG, d’humeur assez égale et peu démonstratif lorsque notre héroïne le côtoie au travail. Pourtant, en matière d’amour, ce n’est plus la même chose… Je n’en dis pas plus car même s’il s’agit d’un élément apparaissant dans la première partie du tome, je préfère te laisser la douce surprise de découvrir quelle pratique l’anime. D’ailleurs, étant donné la phrase citée au paragraphe précédent, il y a fort à parier que Shin Kawamaru explore les péchés mignons sexuels de plusieurs autres personnages. On en découvre un autre au cours de ce premier volume, la suite nous en dévoilera certainement plus sur les autres collègues de Miu et Shirô.
Je trouve d’ailleurs que l’autrice réussit à merveille à recréer cette sensation de sensualité qu’éprouvent les personnages grâce à son trait précis et assuré. On voit qu’elle prend plaisir à dessiner la série ; ce qu’elle déclare elle-même dans sa postface. Cela reste globalement soft, si je puis m’exprimer ainsi. Donc, si tu t’attends à quelque chose de plus explicite d’un point de vue visuel, tu risques d’être un peu déçu·e. Censure oblige, leurs corps glabres sont en partie cachés, grâce au cadrage et à l’ajout bien-heureux d’éléments de décor (pétales de fleurs par exemple). On a bien sûr le droit au fameux blanc de la pudeur qui efface les zones plus sensibles, pour changer de la végétation. Exit le sabre laser façon Star Wars, on n’en verra pas davantage pour le moment !
Néanmoins, Shin Kawamaru ne s’encombre pas de détails, ce qui se comprend puisque le deal entre nos deux personnages est de réaliser les 48 positions dudit livre, rien d’autre. Il n’y a pas de préliminaires ou de tour de chauffe où l’excitation monte crescendo. Le piment provient alors des quelques accessoires utilisés, comme suggérés sur la couverture : rubans, cravate, etc. Cela changera peut-être lorsque des sentiments plus profonds viendront s’en mêler et que le but premier de leur arrangement sera oublié.
Au final, ce premier tome offre une histoire sympathiquement pimentée tout en restant soft, avec une héroïne qui sait ce qu’elle veut en matière de plaisirs charnels. Mais elle n’est pas la seule à cacher de coquins secrets… J’ai apprécié découvrir comment Miu et Shirô amorcent leur rapprochement obligatoirement inévitable et il me tarde de découvrir comment leur exploration de l’extase se passera dans les prochains volumes. Plus d’accessoires ? Des positions plus acrobatiques ? Nous le verrons bien ! Et quel sera le prochain personnage à nous révéler son penchant ?