Je me suis plongée, il y a quelques semaines, dans la série de l’autrice Fujimomo : @Ellie. Forte d’un total de 12 tomes, @Ellie est publiée par les éditions Kana qui savent attirer leur lectorat avec de superbes premières de couverture dans les tons pastel. Moi la première je le confesse. Je n’avais pas réellement d’attentes en ouvrant le premier tome et, pourtant, j’ai adoré ma lecture ! Je t’explique pourquoi dans cette chronique.
Eriko l’invisible
Eriko Ichimura est invisible. Complètement mise de côté par l’ensemble de ses camarades. La jeune fille a une telle capacité à effacer sa présence, si ce n’est un don, que ses pairs ne savent même pas comment elle s’appelle. Que les professeurs l’oublient pendant les cours. Habituée à ce traitement de « faveur » de la part des autres, Eriko ne s’offusque jamais. Alors, quand la même fille vient la voir semaine après semaine pour faire ses corvées à sa place tout en l’appelant Nishimura, Eriko ne se rebiffe pas. Et accepte. À chaque fois.
Pourtant, Eriko n’est fade que d’apparence. Car derrière son compte Twitter @Ellie, elle libère une vraie puissance destructrice de fantasme et d’amour ! Complètement accro au petit oisillon bleu, Eriko passe ses journées à écrire maints et mains fantasmes sur un petit ami fictif. Son imagination n’a d’égal que sa banalité apparente (ce qui est beaucoup).
Twitter est son repaire secret, son havre de paix où elle peut s’exprimer en toute liberté et sans jugements. Les quelques personnes qui la suivent rentrent dans son jeu et en redemandent même : rien de mieux pour donner à Eriko l’énergie nécessaire pour fantasmer encore et encore.
Ellie ou l’art de fantasmer all day long.
Alors lorsque Eriko se retrouve, par le plus grand des hasards, en compagnie d’Akira Ômi, la coqueluche du lycée et source de ses fantasmes dans une salle désertée du lycée, c’est le nirvana ! Mais quand ce dernier lui montre son vrai visage : c’est la douche froide ! Le prince charmant au sourire constant et ravageur se révèle être en fait le pire des garnements !
Lui qui est toujours si affable avec les filles… le voilà en train d’envoyer Eriko sur les roses ! Coup dur pour la jeune fille qui érigeait le garçon en dieu vivant. Tout doucement et sans crier gare, les deux jeunes gens se rapprochent et apprennent à s’accepter tels qu’ils sont : Akira en tant que garçonnet grognon et Eriko en tant qu’Ellie.
Ellie la sulfureuse
Véritable perverse, irréductible coquine, Ellie vit dans un monde parallèle empli de fantasmes sur la même personne : Akira Ômi. Il faut dire, sincèrement et entre nous, qu’Akira a tout pour lui physiquement parlant. Beau, grand, élancé, fin… Pas étonnant que notre jeune héroïne des temps modernes tombe sous son charme et rêve à maintes reprises de parcourir son corps galbe de ses mains.
La personnalité d’Ellie est contagieuse – pour son humour et non pour sa fantasme mania, je te vois venir ! -, j’ai passé de nombreux moments à pouffer toute seule lors de mes lectures ou à complètement éclater de rire devant les situations incongrues qu’imagine Ellie.
Pour Ellie, voler c’est mal… mais la veste d’Ômi pour se vautrer dedans c’est permis !
@Ellie est un shôjo qui n’échappe pas aux codes du genre et de fait on comprend très vite de quoi l’histoire va retourner. Donc tu te doutes (si tu as jeté un coup d’œil aux premières de couverture des éditions Kana) qu’Ellie et Akira vont devenir plus que des amis, et que leur relation va être semée d’embûches !
Fujimomo construit un cadre particulier pour nos deux tourtereaux : Akira est populaire, trop pour son propre bien, et ses fans ne supportent pas ne serait-ce que l’imaginer être en couple. Alors, encore moins avec une fille aussi transparente qu’Eriko…
Pour Ellie, qui a toujours eu seulement des relations virtuelles via Twitter, rien n’est simple : il lui faut apprendre l’amitié lorsqu’elle rencontre Sara, et lui faut apprendre l’amour en côtoyant Ômi. Alors, lorsqu’un garçon de sa classe se rapproche d’elle et qu’il a lui-même du mal à nouer du contact avec ses pairs… Pas évident pour une jeune fille qui ne sait pas comment gérer toutes ces nouveautés ! Mais Ellie n’a pas son pareil pour se sortir de chaque situation avec une bonne dose de fantasme non dissimulé.
@Ellie, le fantasme féminin libéré
J’aurais aimé avoir @Ellie entre mes mains lorsque je vivais mes premiers émois adolescentes ! Toujours matraqué, le fantasme féminin est souvent pointé du doigt, et les non-dits autour de celui-ci s’entassent dans les esprits. Du moins, c’était comme cela que je le ressentais il y a 10 ans. On parlait toujours du désir masculin, de son importance et de son omniprésence. Le manga de Fujimomo casse les codes établis et j’aime ça ! Ellie est pleine d’envies sexuelles et n’en a pas honte : son entourage proche l’accepte sans la juger (même s’ils en rougissent énormément) !
Ellie branchée sur la radio sexe à chaque instant !
Alors quand Ellie parle ouvertement de ses désirs ça me fait du bien ! Au-delà de l’aspect clairement comique des situations – puisqu’Ellie a l’esprit « mal tourné » comme l’on dit -, Fujimomo clame haut et fort : Oui les filles, vous pouvez être des perverses ! Vous pouvez vous aussi, à l’instar d’Ellie, avoir des envies, des scénarios qui vous donnent le sourire (et la bave) aux lèvres ! Laissez parler votre imagination ! Il n’y a pas de honte à cela. Rien que pour ça @Ellie est chouette à lire et tranche avec les autres shôjo où seulement la séduction amoureuse est mise à l’honneur. Ici, on va plus loin, on parle de sexualité.
Un peu de sexualité
Enfin ! La personnalité loufoque d’Ellie et sa spontanéité à parler de sexualité apporte un vrai vent de fraîcheur dans cette série. Pour son entourage (Akira et son amie Sara), qui ne parlait jamais de ces choses-là, c’est une véritable révolution dans leur vie : au fur et à mesure des tomes les lycéens commencent à se livrer, à aborder les questions de sexualité et à se questionner. Comment fait-on l’amour ? Comment sait-on que l’on est prêt·e ? Comment se sent-on après ? Le shôjo @Ellie a le mérite de retranscrire avec justesse ces questionnements qui arrivent souvent à l’adolescence.
À l’instar d’Entre toi et moi de Haru Tsukishima, @Ellie développe davantage les histoires d’amour dessinées : la question de la sexualité est un point d’orgue et constitue un élément crucial dans les derniers tomes de la série. Pour ma part, je trouve vraiment que c’est son aspect le plus intéressant.
J’aime quand une certaine maturité se dégage dans les shôjo de tranches de vie et romance lycéenne. Bien évidemment, d’autres intrigues annexes sont retranscrites dans @Ellie, avec des personnages que je n’ai pas évoqués dans cette chronique. Les relations entre eux sont semées d’embûches et il y a certains patterns qui se révèlent – malgré tout – assez classiques des shôjo pouvant rebuter certain·es.
Pour conclure, @Ellie est une belle lecture pleine de rire, de fraîcheur et de situations comiques. La personnalité atypique d’Ellie peut autant amuser qu’agacer (à certains moments, peut-être… tout dépend de ton ressenti en tant que lecteur·rice), le pragmatisme et les réactions d’Akira valent également le détour. La maturité d’Ellie quant à sa sensualité et à sa sexualité est salvatrice pour un shôjo qui conserve bon nombre de codes du genre : on aime le réalisme des lycéens, encore balbutiants dans leur découverte amoureuse mais si avides d’en apprendre davantage.