Entre toi & moi de l’autrice Haru Tsukishima me faisait de l’œil depuis un bon moment. La série, publiée par les éditions Kana, est forte de sept volumes rocambolesques qui dépeignent avec tendresse la relation qu’entretiennent Makoto, adolescente revêche au tempérament bien trempé, et Reita, beau gosse populaire un peu idiot sur les bords.
J’étais assez sceptique avant de me lancer dans ma lecture d’Entre toi & moi, je dois bien le reconnaître. J’avais en amont lu un commentaire assez négatif sur la série, ce qui m’avait déstabilisée et remis en question mon envie de me plonger dans l’histoire. Au bout du compte, j’ai voulu me faire mon propre avis en jouant sur la carte du « peut-être que ça va me plaire… ». Au final ? Je ne suis absolument pas déçue !
Un bon départ
Entre toi & moi est un shôjo pétillant, doucereux mais surtout très bien construit. On suit l’histoire de Makoto Sakurai, une jeune fille de seize ans qui a la tête sur les épaules, et Reita Kikuchi, un garçon du même âge, qui a pour avantage d’avoir un très joli visage (et donc de se faire énormément courtiser).
Les deux adolescents sont voisins, et passent le plus clair de leur temps personnel ensemble. Il faut dire que Reita a la fâcheuse manie de s’imposer presque tous les soirs dans la chambre de la jeune fille : en même temps, c’est facile lorsqu’on peut sauter d’un mur à l’autre !
26,5 cm de séparation entre deux amis d’enfance.
Tout change lorsque Reita, qui a tout de même un égo surdimensionné, propose à Makoto de sortir avec elle. Enfin, disons qu’il l’intime à sortir avec lui puisqu’elle n’a personne dans sa vie et qu’elle n’arrive même pas à se trouver un copain… Eh oui. C’est ainsi que tu feras la connaissance de ce personnage haut en couleurs et qui a bien trop tendance à ouvrir sa bouche avant de tourner sept fois sa langue dans ladite bouche. Dommage pour toi Reita.
Découverte du personnage de Reita dès la première page de la série.
Si l’histoire peut te paraître classique au premier abord, elle te fera rapidement changer d’avis à mesure que tu te plongeras dans la relation mouvementée de Reita et Makoto. La force du manga réside dans leurs personnalités, radicalement différentes, et dans leur quotidien tumultueux.
Ils se connaissent depuis tout petits, et savent taper où ça fait mal : Reita est imbu de lui-même et ne comprend pas pourquoi Makoto est indifférente à son charme tandis que Makoto ne peut rien cacher à Reita qui la connaît que trop bien. Ils sont explosifs pour notre plus grand bonheur !
Reita : une communication brouillée
Reita est beau et il le sait. Bouille d’ange mais tempérament de démon, l’adolescent n’en fait littéralement qu’à sa tête ! C’est aussi ce qui fait son charme, je dois bien le reconnaître. Pourtant, sa plus grande faiblesse est de ne pas savoir communiquer sur ce qu’il ressent. Incapable de dire à Makoto qu’il l’aime vraiment pour ce qu’elle est, il ne peut s’empêcher de la complimenter puis de la rabaisser dans la foulée…
En voyant le comportement de Reita, les réactions de Makoto m’apparaissent à 100 % compréhensibles : comment croire que son ami est amoureux d’elle lorsqu’il passe son temps à se vanter d’être celui que toutes veulent ? En plus de cela, Reita ne lui a jamais émis le moindre sentiment, donc cela semble tout simplement irréaliste.
Reita et son art des compliments à toute épreuve.
Reita est touchant malgré une façade assez macho on ne va pas se le cacher. Il est représenté comme un « vrai » garçon, celui qui ne lâche jamais l’affaire et veut faire sien la fille sur laquelle il a jeté son dévolu (nianianiah). Reita en fait trop, mais alors largement trop. Il est omniprésent aussi du fait de son tempérament extraverti, toujours en train de se faire remarquer. Alors quand il s’agit de faire craquer Makoto, il est bien évidemment en première ligne !
Adepte outrancier du kabe-don, Reita plaque un nombre incalculable de fois Makoto contre un mur… À tel point point que je me suis demandée si ce n’était pas fait exprès par l’autrice pour dénoncer ce geste… J’avoue que je rêve peut-être mais le doute m’est permis lorsque je vois notre protagoniste s’adonner à son art favori sur un autre garçon.
Reita et son amour pour le kabe-don… même avec les garçons !
Reita est sûr de lui, sauf lorsqu’il s’agir de Makoto. Alors qu’il est persuadé que sa voisine est amoureuse de lui mais qu’elle ne veut pas se l’avouer, il déchante à mesure que celle-ci se rapproche de Yûsuke Abito, son propre ami. Ce dernier est raisonnable et raisonné, propre sur lui et surtout il n’est pas aussi insupportable que Reita. Les deux garçons sont malgré tout très proches, tolérant la différence de l’autre pour en constituer sa propre force.
Au fil de l’histoire, Makoto accepte un petit boulot et, de fil en aiguille, il s’avère que Yûsuke Abiko commence à travailler avec elle également. Les adolescents apprennent à mieux se connaître et se livrent sur leurs failles : pour Makoto c’est finalement le sujet de son père et du divorce de ses parents qui revient en boucle. Yûsuke trouve les mots et la rassure, causant d’énormes tensions à la relation qu’il entretient avec Reita.
L’amitié de Reita et Yûsuke : supporter l’idiotie de l’un, tolérer la logique de l’autre.
Différences, ressemblances, divergences, constructions… Tout y passe dans Entre toi & moi qui aborde avec justesse les changements qui s’opèrent autant à l’intérieur des personnages que dans leurs relations. La douceur est souvent cachée derrière une nonchalance affichée, l’amour s’exprime à travers des actes simples du quotidien. Reita grandit, s’affirme et gagne en maturité.
Makoto : une psychologie incisive
Chien et chat, Makoto et Reita se portent malgré tout dans leur cœur : leur lien est indéfectible et Makoto le considère depuis toujours comme un membre à part entière de sa famille. Reita a été là dans des moments difficiles qui continuent encore de traumatiser la jeune fille sans qu’elle le conscientise.
Car lorsque ses parents ont divorcé suite à une infidélité de son père, le monde de la jeune Makoto s’effondre tel un château de sable… Elle se retrouve seule et a peur, tout simplement. Petit Reita lui fait alors une promesse : il ne la laissera jamais tomber ! Et puis il viendra tous les soirs lui rendre visite pour qu’elle ne pleure plus.
Promesse d’enfants.
Qu’il est donc compréhensible de voir une Makoto complètement dans le rejet lorsque Reita lui propose de sortir ensemble. Surtout qu’il n’a pas sincère visiblement ! Pourquoi joue-t-il à ce jeu dangereux alors que tout est bien établi entre eux ?
Depuis le départ de son père, Makoto est persuadée que toutes les relations peuvent se casser tellement facilement que cela ne sert à rien de s’attacher. Alors, elle fuit ses véritables sentiments, et ses envies. Impossible pour elle de se laisser aller et d’imaginer Reita en petit ami ne serait-ce qu’un instant. Cela serait la confirmation que son monde est facilement destructible.
Makoto ne comprend pas tout ce qui se passe et prend peur.
Ah je les entends d’ici les détracteurs de ma chère Makoto. Alors, oui, elle peut en agacer certain·es puisqu’elle tourne en rond pendant les premiers volumes, parce qu’elle ne veut pas que sa situation change pour le moins au monde. Oui, Makoto est quelqu’un d’obstiné mais n’en est pas moins attachante. Surtout qu’elle évolue rapidement malgré tout, prend le temps de se poser et de réfléchir quant à sa situation.
Makoto est une fille fragile mais pourtant si forte, qui cache une blessure profonde qu’elle laisse rejaillir à ses heures perdues : celle de se faire abandonner par les personnes qu’elle aime le plus au monde.
Pour Makoto les liens sont fragiles et ne tiennent pas le coup à l’usure du temps.
Et si cela était pareil avec Reita ? Celui qu’elle a toujours connu et qui est si important pour lui pourrait-il finir par la détester si leur relation évoluait ? Makoto se livre sous mes yeux et touche mon cœur sensible. Pour moi, rien ne pourrait justifier une aversion pour ce personnage qui se révèle cohérent de bout en bout… Et surtout qui met, malgré tout, tout en place pour évoluer et s’accorder avec ses envies intérieures.
Parlons bien, parlons sexe
Entre toi & moi est une œuvre somme toute classique. Mais qui réussit à sortir des codes définis de l’amour platonique que l’on peut trouver dans bon nombre d’œuvres classifiées de « shôjo » : Haru Tsukishima aborde la question de la sexualité.
Car qui dit mise en couple dit découverte de l’autre et construction d’une intimité qui peut faire peur. Comment adapter son comportement lorsqu’on est avec quelqu’un ? Comment aborder sereinement la question du sexe et de la première fois quand l’on n’y connaît rien ?
L’autrice nous permet d’explorer ces thématiques à travers le personnage de Makoto qui n’en mène pas large quant à ses questions. Alors que la jeune fille ne rêvait pas de l’amour au début d‘Entre toi & moi, la voici en train d’embrasser son poster de cheval pour s’entraîner, à en vouloir toujours plus… Je ne veux pas spoiler ta potentielle – future je suis sûre – lecture mais je trouvais cela pertinent d’intégrer cet élément de la narration.
Parce que parler sexe s’avère souvent compliqué et complètement terrifiant à chaque nouvelle première fois, Entre toi & moi le fait avec tendresse, en douceur et surtout avec une bonne dose d’humour. Carton plein pour ma part. J’ai été touchée par cette œuvre que je trouve très belle pour toutes ces raisons condensées en quelques lignes. Personnellement, je n’ai absolument pas regretté mon choix de me procurer cette série.
Entre toi & moi ne révolutionne pas le genre. La série a tous les codes classiques du shôjo que l’on aime tant, et c’est aussi pour cela qu’elle constitue, à mon sens sens, une valeur sûre. Pourtant, l’autrice arrive à développer et à approfondir la relation de Reita et Makoto, ces deux amis d’enfance qui veulent faire évoluer leur lien, chacun à leur façon. Haru Tsukishima construit un couple, avec ses tenants et ses aboutissants, ses problématiques. Entre toi et moi c’est l’art d’apprivoiser l’autre et la manière de créer à deux son intimité et ses petites habitudes.