Entrons doucement dans cette période pré-Halloween avec un shôjo mêlant habilement éléments fantastiques et vie quotidienne. Disponible depuis le 7 octobre dernier aux éditions Komikku, Esprits d’ailleurs est la première œuvre de Maki Kôda à parvenir en France. Je découvre avec délectation cette autrice à travers trois histoires courtes aussi bien poignantes que bien construites.
Esprit d’ailleurs regroupe trois récits indépendants mettant en scène des personnages touchants dans leur quotidien teinté de surnaturel. Aucune indication de lieu ou de temps ne nous est donnée, si ce n’est que l’on peut supposer – au vu des noms des personnages – que ceux-ci se déroulent dans un Japon plutôt contemporain.
- Un après-midi sans bruit : Kotono Hatabe est une jeune fille de 14 ans très timide, si bien qu’elle devient fréquemment invisible aux yeux de ses autres camarades. Un jour, elle est interpellée par un garçon d’environ son âge, Hirota, qui semble dans la même situation qu’elle. À ses côtés, elle va progressivement aborder la vie de manière plus positive. Réussira-t-elle à briser la barrière qu’elle s’est créée ?
- Bianca : Sôta Nakajima est un jeune étudiant fraîchement installé dans son appartement. Après un entretien d’embauche raté et une rupture amoureuse, il fait la connaissance d’une étrange femme, qui lui affirme que tout se passera bien pour lui, car elle ressent une certaine protection l’entourant. Et c’est vrai que depuis cette rencontre, de nombreux phénomènes étranges apparaissent…
- Au clair de lune : Rentarô a démissionné de son poste mais lorsque sa petite amie apprend la nouvelle, elle n’est guère ravie. Alors qu’ils se disputent, un chat les interrompt en miaulant fort, ce qui fait redescendre la tension accumulée. Le lendemain matin, on découvre, tout comme Rentarô, que ce chat peut parler. Loin d’être commode, il décide d’élire domicile chez eux et de faire du jeune homme son domestique, sans lui laisser guère le choix…
D’emblée, j’ai particulièrement été marquée par le chara-design très sobre et épuré, qui se limite à l’essentiel. On sent la volonté de la mangaka de ne pas trop surcharger ses décors. Ceux-ci servent à situer l’action et à l’ancrer dans un lieu : une salle de classe, un appartement, etc. Même si j’adore les détails, je salue cette démarche où la compréhension de la narration va passer par la composition des scènes, ainsi que les expressions des personnages. Il existe bien évidemment des planches plus fournies, mais globalement le tout se veut assez lumineux et aéré.
En effet, ce n’est pas parce que les détails des yeux sont réduits qu’ils ne sont pas expressifs ou qu’on ne devine pas ce que le personnage ressent. Les mimiques retranscrivent fidèlement une palette diverse d’émotions.
Ainsi, l’aspect esthétique sert à merveille le fond, pour mieux nous immerger dans les différentes intrigues. Dans deux d’entre elles, c’est assez frappant puisque les dialogues demeurent réduits une bonne partie de ces chapitres. Nous sommes à la fois spectateur·rices des scènes qui défilent et acteur·ices de celles-ci.
En outre, Maki Kôda excelle dans le développement de ses trois récits. Cela passe notamment par une superbe gestion de l’intrigue, faisant monter nos émotions crescendo, jusqu’au dénouement généralement poignant. C’est le cas pour le premier, « Un après-midi silencieux », et le dernier, « Au clair de lune ». Le deuxième (« Bianca ») reste bien plus mystérieux, même si la chute nous permet d’établir quelques hypothèses.
Les révélations ont lieu progressivement, de manière tout à fait opportune. L’autrice ne nous dévoile pas toutes les clés des bribes de vie qu’elle explore, mais en quelques pages, nous en savons suffisamment pour comprendre l’essentiel. Nous pouvons alors nous faire notre propre avis sur chaque récit et le continuer de la manière dont nous le souhaitons.
De même, je trouve l’incursion du fantastique au cœur de ces tranches de vie très réussie. L’élément surnaturel est présent à petite dose, soit sous la forme de manifestations ou d’un personnage particulier. Cela apporte une dimension supplémentaire à chaque histoire.
J’ai d’ailleurs été plus charmée par « Un après-midi silencieux » et « Au clair de lune » que par « Bianca ». Mais cela ne m’a pas empêchée de m’attacher à chacune d’elles.
Les deux premières que j’ai citées me parlent davantage au niveau émotionnel. D’un côté, nous avons une jeune fille tellement timide qu’elle se retrouve effacée et inaudible auprès de ses camarades. De l’autre, nous avons un jeune homme un peu paumé dans la vie. Sa rencontre avec un chat aussi peu commode que spécial va créer en lui une sorte d’électrochoc bénéfique… Ce qui leur arrive ne me laisse pas indifférente, même si j’ai une certaine connexion avec Sôta (« Bianca »), qui a l’impression d’être malchanceux.
J’ai trouvé que la mangaka nous laissait un peu plus de temps pour nous attacher à Kotono (« Un après-midi silencieux ») et Rentarô (« Au clair de lune »). Ces deux récits sont en effet plus longs de quelques pages. « Bianca » arrive alors comme une parenthèse onirique entre deux nouvelles plus poignantes.
Malgré la nature surnaturelle des événements qu’ils vivent, les protagonistes sont très humains, avec leurs failles – auxquelles on peut s’identifier – mais aussi leur marge de progression et les qualités dont ils disposent.
S’il y a un seul bémol que je devrais trouver à ce recueil, c’est : pourquoi c’est obligé de se terminer ? L’autrice dit d’ailleurs à la toute fin du volume que nous étions censé·e·s avoir quatre chapitres au lieu de trois. Mais la crise du coronavirus en a voulu autrement. Je suis curieuse de savoir quelle aurait été cette quatrième histoire.
En soi, les trois nouvelles se suffisent à elles-mêmes. Mais j’aurais tellement aimé avoir plus de récits et découvrir d’autres univers car la mangaka a su me charmer. J’espère que nous pourrons prochainement retrouver d’autres de ses titres en version française !
D’ailleurs, n’hésite pas à te rendre sur la très belle chronique de Tachan au sujet de ce recueil d’histoires. Nous partageons d’ailleurs le même ressenti sur cette lecture !
Décidément, nous sommes très raccord en ce moment.
Je ne regrette pas d’avoir craqué par hasard sur ce titre au détour de quasi fouilles archéologiques des rayons de ma librairie ><
J'aurais bien poursuivi moi aussi.
Oui, on a pas mal de titres en commun ^^
J’imagine qu’il n’a pas dû être facile de le trouver car ce titre semble être sorti dans une certaine confidentialité et c’est bien dommage ! En le lisant, je ne m’attendais pas à spécialement quoi que ce soit et j’ai été très agréablement surprise ♥
Tout à fait, vraiment dommage qu’on n’en ait pas eu plus. J’espère qu’on aura d’autres œuvres de l’autrice un jour.