J’ai eu la chance de lire les deux volumes de Let’s be together, préquelle du one-shot Let’s be a family qui abordait la question de l’homoparentalité. Ici rien de tel puisque l’on assiste, au cours de notre lecture, à l’éclosion d’un amour et à la construction de la relation amoureuse qui en découle. Écrit par Tomo Kurahashi et publié en France par les éditions Taifu, Let’s be together raconte l’histoire de Kazuma et de Chiaki, amis depuis toujours jusqu’au jour où… Prêt(e) à lire les bonnes raisons qui vont te pousser à te plonger dans cette bulle d’amour ? C’est parti !
Avant de rédiger cette chronique il me faut avouer une chose : je n’ai pas (encore) lu Let’s be a family ! Mais j’en suis plutôt heureuse car cela m’a permis de faire la connaissance des personnages sans avoir aucune image en tête, et sans tout connaître de leur relation, ou du moins la manière dont ils l’ont construite. C’est donc avec un œil nouveau et curieux que j’ai tourné la première page de cette série pleines de surprises.
Petits Kazuma et Chiaki (tome 1).
J’ai ainsi découvert deux jeunes garçons, Chiaki et Kazuma, qui sont amis depuis la toute petite enfance. Ils partagent également une relation très forte, presque fraternelle, avec Tomoe, petite fille qui a perdu ses parents à l’âge de 5 ans. Depuis lors, ils ont été élevés quasiment ensemble, et se sentent membres d’une famille qu’ils ont créée au fil des années. Devenus adolescents, le trio est à l’orée de la rentrée au lycée. La vie suit son cours.
Adieu les étiquettes
C’est dans le premier chapitre que tout se chamboule : inséparables depuis toujours, leur relation de meilleurs amis prend, sans qu’ils l’aient prévu, une nouvelle forme un soir d’été à la fin de leur classe de 3e. Alors qu’ils partagent la même chambre, les deux garçons vont connaître ensemble un moment d’intimité – une relation sexuelle pour être explicite – qui ne change en rien leur relation. Le temps passe, la rentrée des classes se profile et ils n’en reparlent pas. Quoi ? Je suis perplexe, et je me surprends à rebrousser chemin jusqu’aux premières pages de ma lecture pour m’assurer que tout avait bien eu lieu. Ai-je bien compris la timeline ? Était-ce un rêve pour l’un des deux personnages ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Leur relation n’a-t-elle pas changé après un tel événement ? J’étais confuse.
Première fois pour Chiaki et Kazuma (tome 1).
Je reprends ma lecture. Après plusieurs cases dévoilant leur nouveau quotidien de lycéens, je me rends compte que j’ai enfin mes explications à mes interrogations ci-dessus et je me mets à sourire un peu bêtement. Chiaki m’apprend que les deux amis « le font » de temps en temps lorsqu’ils se retrouvent tous les deux. Rien d’exceptionnel, c’est comme ça. Cela ne change rien pour eux, enfin surtout du côté de Kazuma. Ils se donnent seulement du plaisir et puis zou la vie normale reprend. Kazuma a une copine d’ailleurs, et Chiaki se demande : jusqu’où peuvent-ils aller ?
« Qu’est-ce qu’on va faire si ça devient une habitude ? » (tome 1).
Let’s be together a été une petite piqûre de rappel : les relations que l’on définit le sont du fait d’un besoin social. Pourquoi avais-je besoin d’étiqueter directement la relation de Chiaki et Kazuma après leur relation intime ? C’est sur cet élément de l’œuvre que je pointe la force de Let’s be together : à aucun moment la relation des deux garçons n’est définie par tel ou tel événement. Ils sont amis, ils se retrouvent à partager un moment d’intimité qui aurait pu complètement les éloigner l’un de l’autre, rongés par la honte et la culpabilité. Ils auraient pu arrêter de se parler. Mais non, rien ne change. Belle valeur transmise à travers cette histoire.
Amour : inclination d’un être pour un autre
Et puis l’amour éclot au fil du tome 1 : je découvre avec plaisir que le charmant Chiaki est amoureux de son ami Kazuma. Je fonds. Tomo Kurahashi nous propose deux personnalités radicalement différentes mais avec des failles que l’on comprend et auxquelles on peut aisément s’identifier : les sentiments amoureux, la peur que tout change. Chiaki révèle son amour pour Kazuma lors du traditionnel festival d’été. Lui qui avait tenu le secret pendant de si longues années n’en peut plus et a besoin de clarifier autant son esprit que la relation qu’il entretient avec celui qu’il aime : après tout ils couchent ensemble malgré le fait que le blondinet soit en couple avec une fille. Autant arrêter d’être compréhensif.
Déclaration à la lueur de la lune (tome 1).
Alors que tout devrait être clair du côté de Kazuma du fait de son couple avec sa copine, le jeune homme commence à se poser des questions suite à cette déclaration d’amour. Que veut-il vraiment ? Et pourquoi se sent-il toute chose ? C’est après cet événement qu’il décide de rompre, incapable de s’investir dans cette relation. Let’s be together permet d’aborder la question des sentiments dans la forme la plus pure, c’est-à-dire des sentiments qui ne sont pas genrés : ici Kazuma se rend compte qu’il aime Chiaki. Il n’y a pas de justification à donner. Ça le frappe d’un coup. C’est Chiaki qu’il passait son temps à chercher du regard, pas une autre personne.
Kazuma complètement perdu : « comment ça il m’aime ? » (tome 1).
Les relations amoureuses sont une construction sociale. Le besoin d’étiqueter les gens et les liens qu’ils partagent n’est pas inné et ne mettrait pas en danger la société si cela n’était plus le cas. Cet affranchissement de toute cette sphère sociétale commence, par ailleurs, à se déconstruire lentement mais sûrement : nous voyons apparaître des formes de relations jusqu’ici inédites. Les cadres dans lesquels nous les formons sont devenus étanches et chacun·e se sent désormais plus libre de s’affirmer dans l’intimité. Let’s be together met en avant cette liberté de choisir en balayant les attentes sociales d’une main : Kazuma se laisse porter par son amour et se met en couple avec Chiaki, son évidence.
Kazuma : funambule sur le fil social
À mon sens, le deuxième tome de Let’s be together est plus mature et aborde des thématiques plus profondes à mesure que la relation entre Chiaki et Kazuma avance. Alors que le premier volume alternait de point de vue entre les deux protagonistes, ici on se concentre uniquement sur Kazuma. J’ai eu un petit coup de cœur pour ce dernier : nonchalant et distant, je trouvais au début qu’il se donne un air de gros dur qui n’a peur de rien. Pourtant Kazuma a le cœur tout tendre et il m’a fait ressentir toute une palette d’émotions tout au long de ma lecture. D’autant que le dessin de la mangaka sublime les interactions entre les personnages et les obstacles qu’ils vivent ! Ce Kazuma qui passe son temps à dire « Ça craint » est finalement une petite guimauve qui a bien peur de se faire dévorer (sauf par Chiaki).
Kazuma et ses questionnements (tome 2).
Ce deuxième volume met en exergue les angoisses et les inquiétudes que vit Kazuma quant à sa relation amoureuse. Alors que les garçons sortent ensemble depuis déjà deux ans, personne n’est véritablement au courant mis à part Tomoe. Ce silence est synonyme de souffrance pour Kazuma qui ne sait plus où donner de la tête et pour lui c’est clair : eux qui sont considérés tels des frères depuis leur plus jeune âge ne peuvent donc pas s’afficher comme un couple. Pression sociale que l’on vit à travers Kazuma. Douleur de ne pas pouvoir afficher son affection envers l’être aimé par le biais de Chiaki. Ils ne sont plus sur la même longueur d’onde et cela provoque une crise.
Pression sociale et peur insidieuse pour Kazuma (tome 2).
J’ai beaucoup aimé Let’s be together : outre le fait que l’histoire d’amour de Chiaki et Kazuma soit douce, elle nous permet de voir comment elle se construit. Je dois avouer qu’à ma première lecture j’étais tellement surprise de voir des scènes de sexe que je ne leur ai pas porté plus d’attention que ça (j’étais un peu gênée aussi haha). À ma deuxième lecture j’ai pu assimiler ces scènes et en voir l’intérêt : part essentielle dans la consolidation de leur couple, nous pouvons aussi voir comment Chiaki et Kazuma s’apprivoisent par cette sexualité qu’ils imaginent à deux.
Moi ? Les larmes aux yeux ? Mais non c’est une poussière ! (tome 2)
Let’s be together nous narre ainsi l’éclosion d’un amour réciproque, la construction d’une relation qui ne va pas de soi dès le départ mais qui pourtant est si naturelle entre les deux protagonistes. Kazuma apporte une vraie touche de profondeur à l’œuvre, il est touchant par ses faiblesses et ses inquiétudes. Chiaki, quant à lui, n’est que douceur et il est celui qui dit les choses franchement, sans fard. Véritable ying et yang, les deux amoureux se complètent et se soutiennent dans l’appréhension de l’avenir à la sortie du lycée. Ils ne se lâcheront pas, leur lien est fort et cela se ressent à travers l’ensemble de cette préquelle, véritable ode à l’Amour.
Et je dois m’arrêter là pour éviter tout spoil. Fonce car Let’s be together vaut réellement le coup ! Je conclurai cette chronique sur une phrase dite par le professeur principal de nos trois adolescents, citation représentative à mon sens des valeurs portées par Let’s be together et dont il est primordial de les défendre haut et fort : « Peu importe la nature de votre lien. Qu’il s’agisse d’amitié ou d’affection, ni vos professeurs, ni vos parents n’ont le droit de juger sa valeur. » Sur ce, je vous laisse et je m’en vais dévorer Let’s be a family.