Retour sur la dernière parution des éditions Akata : le shôjo Maux mêlés scénarisé par Meguru Izawa et dessiné par Tohru Tagura. C’est tout d’abord sa première de couverture douce aux couleurs pastel qui m’a tout de suite attirée : les personnages semblent être travaillés à l’aquarelle et ressortent sous un ciel bleu pâle aux reflets rosés. La thématique qui s’en dégageait, l’histoire d’une cohabitation entre trois adolescents que tout oppose, a achevé de me convaincre. Je me suis laissée tenter par ce premier volume et je te livre ici mes impressions !
La jeune Tsukasa Ayase est en seconde année de lycée et fuit les interactions avec les individus du sexe opposé. Traumatisée depuis quelques années par d’anciens camarades qui disaient des horreurs sur son dos sans qu’elle se l’explique, Tsukasa perd tous ses moyens lorsqu’un garçon lui adresse la parole. Pour pallier cette difficulté, elle a trouvé la solution : les fuir ! Tout simplement.
La meilleure défense est la fuite façon Tsukasa.
L’histoire s’ouvre sur ce fait, premier élément que l’on apprend sur notre personnage principal. Une de ses amies nous indique même qu’elle « n’arrive pas à surmonter ses vieux démons du passé » laissant planer un mystère qui se doit d’être forcément élucidé à un moment. On comprend ainsi que depuis des années, Tsukasa s’enferme dans un monde qu’elle érige comme inaccessible pour les autres. Fille d’aubergistes, Tsukasa ne participe jamais à des activités extrascolaires avec d’autres camarades pour aller s’occuper de l’affaire familiale… Surtout depuis que sa mère est décédée, elle qui accueillait chaleureusement les clients. Ainsi, tout est bien huilé pour Tsukasa depuis bien longtemps, mais pourtant, cette bulle d’isolement est bientôt prête à exploser au commencement de cette histoire.
Timidité et vieux démons
Tout bascule pour Tsukasa sur une décision de son père : l’auberge devient désormais une pension de famille ! En effet, le tourisme est en baisse dans la région et la famille Ayase doit trouver un nouveau moyen de gagner de l’argent. Pour pallier la crise, il ajoute même une condition sortie de son cru : cela doit être des étudiants car ils sont nombreux dans le coin ! Ce à quoi le grand-père de la jeune fille ajoute avec bonhomie : « Faisons un essai avec des garçons c’est plus facile ! ». Catastrophe pour Tsukasa qui va devoir cohabiter avec deux représentants de cette espèce qu’elle peine à approcher. L’horreur pour la lycéenne qui n’a, en plus, pas le choix.
Arrivée de Ren Matsuoka dans la nouvelle pension familiale.
C’est comme cela que son chemin croise celui de Ren Matsuoka, élève de terminale qui, pour une raison inconnue, rejoint l’auberge pour l’année scolaire. Coup dur pour Tsukasa qui ne sait pas encore réagir lors de leur rencontre : comment se comporter face à cet inconnu peu avenant ? Surtout que Ren montre d’emblée son animosité : il n’est pas sociable, ça ne sert à rien de sympathiser. Message reçu par la jeune fille qui en est malgré tout bouleversée. Tel un miroir réfléchissant son propre reflet, Ren la met face à ses failles et ce qu’elle peut renvoyer aux autres. Je trouve, pour ma part, qu’il s’agit d’un élément intéressant à approfondir dans Maux mêlés. Comment réagir lorsque la personne en face se comporte exactement de la même façon que nous ? Est-ce légitime de se sentir blessé·e ?
S’apprivoiser un pas après l’autre
Une partie du tome s’axe autour de la relation Ren / Tsukasa : loin de créer un début de sentiments amoureux, Meguru Izawa s’emploie plutôt à les rapprocher humainement parlant. Tous les deux bloqués dans leurs jugements et dans leurs peurs de l’autre, les adolescents peinent à communiquer naturellement, même pour se dire des banalités.
Lorsqu’on ne trouve pas les mots pour s’exprimer…
La scène de l’avion en papier est assez révélatrice de la difficulté de Tsukasa. Elle n’arrive pas à parler avec Ren, du fait qu’il soit un garçon mais aussi qu’il soit ouvertement antipathique envers elle. Ainsi, elle n’ose même pas lui expliquer comment marche le tri sélectif ! Maux mêlés aborde avec justesse la souffrance qu’entraîne la difficulté de s’adresser à quelqu’un, de cette peur qui peut se transformer en vraie terreur. Surtout lorsqu’on est obligée de vivre sous le même toit que sa pire angoisse !
Introspection au clair de lune.
Ce premier tome de Maux mêlés permet de dénouer certaines intrigues, mais un peu trop rapidement à mon goût… Le personnage de Ren Matsuoka est celui qui m’a le plus intéressée : un brin mystérieux, un tantinet taciturne, on ne sait pas grand chose sur lui et il ne dévoile rien. Les autrices nous livrent une clé de compréhension en nous présentant quelques flashbacks : Ren affirme détester les filles et on voit dans son passé deux femmes qui semblent se le disputer. Problème familial ? Problème amoureux ? Je n’en sais pas plus lors de ma lecture et c’est frustrant. Il ne me reste plus qu’à espérer qu’on en sache davantage dans le prochain et dernier tome… même si je n’y crois pas tellement.
Le nœud du problème
Puis arrive Ryohei Miwa, deuxième colocataire de cette joyeuse maisonnée. Et je te le donne dans le mille : il s’agit du fameux garçon qui avait dit des horreurs sur Tsukasa dès la première page du manga ! Pourtant, lui n’est pas au courant que celle-ci l’a entendu puisqu’il se montre directement très chaleureux avec elle. Il lui clame même son amour ! Problème épineux qui se pose durant ma lecture : comment va réagir la jeune fille sur le long terme ? Va-t-elle régler ses différends avec lui ? Ryohei Miwa apporte une nouvelle touche au panel présent dans Maux mêlés : plus ouvert que les deux autres protagonistes, il exprime librement ce qu’il ressent et rien ne semble l’arrêter. C’est ce duo de garçons complètement bouleversant qui vient perturber la petite vie tranquille de Tsukasa.
Le deuxième colocataire de Tsukasa : un certain garçon qu’elle connaît…
Car, ce qui m’a cruellement manqué dans ce premier volume de Maux mêlés c’est un certain dynamisme. L’histoire, intéressante sur le fond, souffre d’un vrai manque de vitalité à mon goût. On avance peut-être doucement mais surtout lentement ! Je suis restée très dubitative après avoir refermé le livre : où les autrices nous emmènent-elles ? Le deuxième tome va-t-il s’approfondir ? J’aimerais pouvoir assister à un bouleversement profond et surtout à une affirmation du caractère de Tsukasa. Pour l’instant, je la trouve très passive à tout ce qui se passe et pour moi, paradoxalement, le personnage manque de profondeur.
Pour conclure, c’est un bilan mitigé que je te partage aujourd’hui. J’avoue être assez déçue par ce tome même si mon opinion va probablement à contre-courant de la majorité. Pour ma part, j’en attends davantage dans le deuxième tome et j’espère réellement que les autrices ne vont pas passer à côté de ce qu’elles veulent nous transmettre. La relation entre les trois adolescents va prendre un nouveau tournant, c’est certain, mais j’ose espérer que les différentes questions sous-jacentes vont être traitées. Affaire à suivre donc.