Disponible en librairie depuis le 14 octobre dernier, le tome 3 de The Night Beyond the Tricornered Window continue sur son excellente lancée. Tandis que certaines vérités nous sont révélées, d’autres mystères et secrets font surface. Crois-moi, on n’a pas forcément envie d’en savoir plus… Quoique… La grande curieuse que je suis ne peut pas s’en empêcher !
Alors que nous avions quitté la jeune Erika Hiura accompagnée de son assistant lors du volume précédent, nous retrouvons Rihito et Mikado embarqués dans une sombre affaire de mare maudite. Celle-ci est loin de laisser les deux héros indifférents, en particulier notre libraire qui s’en remet difficilement… Quels autres dangers l’attendent ?
Erika Hiura, l’incantatrice
Cette fois-ci, l’histoire se centre sur le personnage énigmatique d’Erika Hiura, dont j’ai brièvement parlé sans la nommer lors de ma chronique antérieure. Elle se retrouve souvent citée dans plusieurs affaires de disparitions inquiétantes et inexplicables. Dotée d’une faculté puissante (et effrayante), elle peut maudire autrui sur commande. Ou plutôt comme elle le dit, elle est incantatrice.
Son but et ses motivations ne semblent pas claires à la fin du deuxième tome. Elle parle énormément de manière détournée, ce qui a l’art de nous perdre. En tant que lecteur·ice·s, nous avons désormais accès à d’autres informations concernant sa véritable mission. La découvrir me fait l’apprécier davantage. Il ne fait nul doute qu’elle aura un rôle notable à mesure que le récit progresse. D’autant qu’elle est fortement intéressée et intriguée par Mikado…
Néanmoins, ces confessions sur son activité paranormale appellent d’autres questions, notamment à la lumière de l’arrivée d’un personnage clé, glaçant. Ces interrogations ne donnent pas spécialement envie d’en connaître les réponses. Puisque c’est de la fiction, ma curiosité l’emporte !
De même que précédemment, le suspense reste très bien géré. L’autrice nous octroie suffisamment de renseignements afin de nous maintenir intéressé·e·s mais pas trop afin de conserver notre attention. Qui sait ce qu’il pourrait se passer ensuite…
Jeux de regards et conversations cryptiques
Outre son talent pour découper l’action d’une scène avec brio, le style de Tomoko Yamashita se caractérise par sa capacité à faire passer beaucoup de choses par le regard.
Les personnages disposent tous, sans aucune exception, d’un regard à la fois intense et très expressif. Parfois, certains me terrifient par leur apparente vacuité. C’est comme si ces yeux sondaient le plus profond de mon être, à la recherche d’une faille à exploiter, d’une porte d’entrée dans mon esprit.
Les dialogues se retrouvent réduits à leur strict nécessaire et minimum. Cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas importants, au contraire ! Que ce soit d’un point de vue visuel sur l’apparence des bulles ou les mots qui sont prononcés, rien n’est secondaire.
En effet, tout un jeu sur la couleur des dialogues paraît se dessiner. Les bulles blanches montrent la parole audible, à n’importe quel être humain (nous et les différents personnages). Ensuite, il y a celles qui se dégradent du blanc au gris foncé voire noir – et inversement. Elles pénètrent leur destinataire insidieusement sans qu’il ne s’en rende compte à moins d’être sur une sorte de fréquence identique. Je n’ai pas encore intégralement déchiffré leur fonctionnement. Simplement, pour le passage du clair vers le foncé, le discours est progressivement moins audible. Le contraire se produit lorsque le processus part du foncé vers le clair : l’auditeur·ice les entend de mieux en mieux.
Quant aux bulles noires, en particulier celles de Hiyakawa, Mikado n’entend pas les paroles prononcées ; ce qui n’est pas le cas de notre côté. Ces dernières paraissent réservées aux malédictions ou aux manières « obscures » de communiquer, sûrement proches de la télépathie. Mais quelque chose me dit que d’une part ce n’est pas si simple et que d’autre part l’impact ne peut pas être que positif…
Par ailleurs, Hiyakawa demeure cryptique dans ses phrases. Il parle essentiellement par allusions et ellipses, étant très évasif dans ses explications. Même nous qui en savons davantage que Mikado sommes perdu·e·s : où veut-il en venir ? Il nous manipule, sachant pertinemment que nous sommes pendu·e·s à son discours… Le jeune libraire y est d’autant plus réceptif qu’il semble attendre ce que va dire son interlocuteur pour tenter de déchiffrer ses paroles autant nébuleuses les unes que les autres.
Néanmoins, le beau blond n’est pas le seul à adopter un discours mystérieux. Mikado aussi sort quelques phrases, assez soudaines, qui interrogent fortement son partenaire de mission. Notamment, il ne peut s’empêcher de donner son avis sur l’apparence physique ou de l’âme des personnes à qui il rend un service occulte…
La relation entre Mikado et Hiyakawa se complexifie
Forte de ces bribes de données, je sens une aura de danger planer, en particulier sur Mikado. Je suis inquiète, mais ne suis pas la seule. Les situations dans lesquelles il se retrouve, telle la première affaire de ce tome, commencent à lui nuire. Physiquement c’est sûr, psychiquement aussi. Cette faculté dont il dispose le rend extrêmement sensible et réceptif vis-à-vis des phénomènes paranormaux qu’il rencontre. Restant dans une optique intéressée, Hiyakawa ne change pas de démarche, sachant cela. Il l’implique peut-être moins, mais c’est pour mieux se servir de ce don, afin que celui-ci ne disparaisse pas.
Un autre élément vient entacher la relation entre nos deux héros. Mikado remarque enfin la trace en forme de triangle inversé qu’il a au bas du dos. Ou plutôt on le lui fait remarquer en parlant de « drôle de bleu ». Au début, je pensais qu’il s’agissait d’un effet d’ombrage sur ses lombaires, celle-ci étant très pâle. Mais il s’agit bien d’une marque… Sorte de fenêtre triangulaire – paraphrasons le titre de la version francophone ! – elle pourrait représenter l’accès matérialisé par Hiyakawa dans le but de l’avoir sous son contrôle. Forcément, Mikado s’interroge sur ce dessin bizarre qui s’est formé.
Ces questionnements le poussent à vouloir poser des limites dans ses rapports avec l’exorciste. Il lui fait comprendre que son consentement est important et qu’il ne peut pas « entrer en lui » comme il le désire. Bien sûr, ce dernier a de la ressource, ce qui lui permet d’arriver à ses fins. On en revient alors à son discours manquant de transparence.