Clap de fin pour Le petit monde de Machida ! Le manga s’est terminé le mois dernier, avec la parution du tome 7. Retour sur les aventures d’un héros décidément pas comme les autres…
Un grand monde de bienveillance
Publié au Japon entre 2015 et 2018, Le petit monde de Machida est un shôjo manga de Yuki Ando. Le manga est disponible en France aux éditions Akata. La série est courte (7 tomes). L’autrice nous fait entrer dans le quotidien d’une galerie de personnages tout en nous déroulant un fil rouge : Machida, sa famille, son lycée, ses amis. Si le manga aborde des thèmes divers et parfois difficiles (pauvreté, harcèlement scolaire, solitude…), c’est toujours avec une grande pudeur. Au Japon, Le petit monde de Machida connaît un grand succès. Le manga gagne plusieurs prix, dont le Japan Art Festival 2015 (meilleur manga) et le prix Prix culturel Osamu Tezuka 2016 (nouveau talent).
À première vue, il y a pourtant de quoi s’interroger. Le petit monde de Machida, c’est l’histoire d’un héros, Hajime Machida, lycéen banal, aîné d’une famille nombreuse. Son apparence aussi est passe-partout. Machida se fond facilement dans la masse, pourtant, tout le monde le remarque. C’est que le lycéen a une qualité qui le démarque des autres : il est gentil.
Gentil, serviable, et roi des casseroles !
Machida vous veut du bien
J’ai beaucoup apprécié Le petit monde de Machida ! Tu le sentiras dans cette chronique. Il faut dire que les histoires du quotidien, c’est mon truc. Mais au début, j’avoue avoir un peu appréhendé : la série survivrait-elle plus de 2 ou 3 tomes ? Aurait-on assez de matière avec des scènes du quotidien ? Vois plutôt : Machida aide des amis dans leurs peines familiales ou sentimentales ; Machida aide sa mère et prend en charge les enfants et les tâches ménagères ; et Machida aide aussi le passant du coin, le voisin d’à côté, l’inconnu perdu dans la foule… L’adolescent aide tout le monde. Dès que l’occasion se présente, il surgit au secours de son prochain, et disparaît comme il est venu. Assiste-t-on à l’avènement d’un nouveau type de héros ? Peut-être bien.
Mais un héros comme Machida n’est-il pas lourd ? Je sens poindre ici toutes les prénotions et les on-dits sur « les gentil.les ». On les accuse parfois de tout ce qu’ielles ne sont pas. N’as-tu jamais entendu ou lu ces racontars sur « les gentil.les » ? Certains les trouvent « faux », quand ilelles ne sont pas de terribles manipulateurs.trices. D’autres les décriront comme effacé.es, sans personnalité… Même topo dans nombre de séries et fictions, qui tournent les personnages gentils en ridicule, alors qu’elles érigent « les méchants » au rang de star. Les procès faits aux gentil.les oublient de préciser que tout n’est pas blanc ou noir. Bien sûr, on peut être gentil.le et avoir de nombreuses qualités et défauts. La gentillesse est une qualité parmi tant d’autres. Elle n’est sûrement pas un défaut, contrairement à ce que certains peuvent penser.
Gentil « et en même temps »…
Hélas, on se méfie des gentil.les, ces psychopathes du sourire, ces acharné.es de la bienveillance. Merci à ces séries peuplées de « gentil.les manipulateurs.trices » et autres « gentil.les pervers.es ». Non, non et non. Un.e pervers.e n’a rien de gentil. Idem pour les manipulateurs et autres arnaqueurs professionnels. Machida est parfois victime de ces préjugés. On se demande pourquoi il se montre aussi serviable. Heureusement, on se rend vite compte qu’il n’a aucune arrière-pensée. Il aime les gens, tout simplement.
Les nombreuses scènes de famille décrites dans le manga nous permettent de voir où l’adolescent puise sa force. Il a la chance de grandir dans un foyer bienveillant. Malgré l’absence du père, souvent parti pour son travail, et les moyens limités (la famille ne roule pas sur l’or), l’adolescent est heureux. Il n’a pas honte de ses origines modestes. Oui, il est gentil, et aussi droit, franc, courtois, résilient, persévérant, courageux, un peu maladroit, et drôle malgré lui. Il invite les autres à oser être eux-mêmes. La solitaire Inohara et le populaire Himuro trouvent en lui un soutien fidèle. Ça n’empêche bien sûr pas les confrontations. Machida n’a pas que des amis. Certains le trouvent nul, et ne comprennent pas sa popularité.
Colère, jalousie, ou détresse ?
Machida n’hésite pas à dire ce qu’il pense. Mais toujours, en adaptant son discours à son interlocuteur. Il se confronte aux injustices et soutient ses camarades victimes de harcèlement. Il comprend aussi les problèmes des adultes, notamment des mères de famille. Pas facile d’élever ses enfants tout en travaillant. Pas facile de devoir subir les regards pesants de tout un quartier. Les parents ont la pression. L’adolescent comprend aussi les tourments des personnes âgées. On l’a dit : il aime tout le monde.
Machida est-il lourd ?
Tout de même, n’est-il pas lourd ? C’est ce qu’on peut se demander, à le voir tendre la main à tout bout de champ. Mais non, au contraire. Les interventions de l’adolescent sont naturelles et discrètes. Machida n’impose pas son aide. Il se fond plutôt dans le décor et apporte un soutien à celui ou celle qui avait peur de franchir le pas. Il s’éclipse sans demander son reste, et retourne dans son quotidien.
Au fond, n’est-ce pas ce que nous devrions tous faire ? Peut-être le fais-tu déjà (je suis sûre que oui !). Tu aides certainement autour de toi, sans même t’en rendre compte ! Tu soulèves la poussette d’un parent qui souhaite monter dans le bus, tu renseignes quelqu’un qui a perdu son chemin, tu écoutes patiemment ton ami.e te raconter ses galères, tu prends des nouvelles du voisin, de la voisine… C’est exactement ce que dépeint Le petit monde de Machida. Et ça fait beaucoup de bien.
Je trouve que le monde a trop souvent tendance à voir le négatif. Le trait de caractère serait d’ailleurs particulièrement marqué en France. Effectivement, ouvrir un journal sur la section « actualités » ou regarder les infos soulève le cœur. Les mauvaises nouvelles se succèdent. Il est bien difficile d’imposer sa joie débordante à quelqu’un qui ne va pas bien du tout. Dans son manga, Yuki Ando a justement la finesse de montrer un héros compatissant qui a toujours l’attitude et/ou le mot qu’il faut pour apaiser les tensions.
Écoute, bienveillance et respect : Machida a les mots qu’ils faut
Vivre la bienveillance
Mais ne va pas croire que Machida se trouve parfait. C’est tout le contraire. Il est rempli de craintes et d’incertitudes, au point qu’il se demande ce que ses amis lui trouvent. Il sait voir les qualités des autres, mais ne voit pas les siennes. Il se trouve nul, voilà. Il estime qu’il ne fait rien d’extraordinaire et que tout le monde agit comme lui, alors que son humilité est une qualité rare.
Est-il gentil pour attirer l’amour des gens ? Certainement pas. On voit bien que le garçon se porte naturellement volontaire, sans rien demander en retour. Il y a une nuance qui n’est pas toujours facile à détecter entre bien agir pour rechercher l’amour de l’autre et bien agir par amour pour l’autre. Dans le premier cas, on regarde d’abord à soi. Dans le second, on regarde d’abord à l’autre. Cela ne veut cependant pas dire que le premier cas présente une fausse gentillesse. Parfois, on se répare soi-même en réparant les autres. C’est ce que montre le manga. Il nous montre que nous ne sommes pas si différents les uns des autres, et que nos différences sont une richesse. Qui refuserait l’attention, l’affection et la bienveillance ?
Quand on vous dit que les gentils ont la côte !
Si tu aimes les tranches de vie, j’espère que tu apprécieras Le petit monde de Machida. Si tu cherches à te dépayser d’une autre manière, ce manga saura te surprendre. Bienveillant, doux, drôle, sensible, Le petit monde de Machida est un manga feel good qui réchauffe le cœur et fait réfléchir.