Practiced Liar est un boy’s love signé Medamayaki, premier manga de l’auteur publié chez nous aux éditions Taifu. Axé sur le thème de la communication, Practiced Liar m’avait de suite attirée par sa couverture chatoyante et explicite : deux garçons se tenant la main sous un bureau, l’un rouge pivoine et l’autre en pleine contemplation. Autour de nos deux protagonistes, des pensées en folie dissimulées en toile de fond exprimant : « Je t’aime ». Que vaut cette narration différente des autres ?

Toshiki Miura, étudiant à l’université, fait partie d’un club de lecture. C’est au détour d’un rassemblement de celui-ci au bar qu’il fait la rencontre d’un jeune homme bien taciturne : Momiji Abe.

Don malencontreux

Toshiki Miura n’est pas un jeune homme comme les autres. Il possède en effet une particularité unique qui fait son originalité : celle de lire dans les pensées des autres. Mais pouvons-nous vraiment parler de volonté de lire dans les secrets les plus intimes de ses camarades dans le cas de Miura ? ll s’avère que c’est plutôt l’inverse : les pensées des autres lui viennent à lui naturellement sans qu’il en ait la volonté. Alors selon toi, don ou malédiction ?

Pour Miura, cela serait surtout un fardeau. Ayant grandi en campagne, dans une atmosphère bienveillante, le changement radical en arrivant au collège est un palier important pour le jeune garçon qui tâtonne dans ses relations. Voulant aider un de ses amis qui n’arrive pas à s’imposer lorsqu’il n’a pas envie de faire certaines choses, Miura le met en porte à faux à cause de son don : les adolescents étant ce qu’ils sont, cela se passe mal pour notre protagoniste qui s’en retrouve blessé à vie.

Hypocrisie, mensonge, double face… 

Désormais, Miura a bien grandi. Évoluant à l’université, il a pourtant gardé les séquelles de sa mésaventure au collège. À cause de l’hypocrisie non formulée des autres et de la transparence de leurs pensées, le jeune homme ne veut pas se lier avec quiconque. Il garde un sourire de façade pour ne pas se faire détester comme il le dit lui-même mais décline toujours poliment les invitations. Solitude, bulle de silence, Miura trouve son bonheur en la compagnie des livres, qui eux, ne jugent pas.

Miura & Abe : silences éloquents

Abe, qui débarque dans la vie de Miura de manière totalement impromptue, est un jeune homme qui ne s’exprime pas beaucoup. Enfin verbalement. Car ses pensées sont tel un flot ininterrompu qui demande seulement à se déverser. Miura en est perturbé car Abe lui exprime, malgré tout, des sentiments très forts… Comment apprendre à connaître quelqu’un alors qu’il nous clame son amour dans sa tête ? Et comment lui parler normalement sans que rien ne transparaisse ? C’est ce à quoi est confronté Miura qui n’en mène pas large comme tu peux le constater.

Moment assez… particulier.

Miura, qui redoute chaque moment où son interlocuteur pourrait le mépriser pour telle ou telle raison, est en nage lorsqu’il arrive en retard à son rendez-vous avec Abe. Pour lui, il s’agit d’une faute impardonnable : car finalement il projette avec peur ses blessures d’adolescent. Il lui est improbable qu’Abe ne lui en veuille pas et qu’il soit déçu de son comportement. Et même si Abe ne lui dira pas, il le pensera… Ainsi, Miura se retrouvera de nouveau seul.

Traumatisme qui refait surface…

Quel est donc son étonnement lorsqu’il se rend compte que ce n’est absolument pas le cas ! Doux et bienveillant, son nouvel ami ne se formalise pas plus que ça de cette « erreur » de parcours. Quel soulagement ! Pourtant, cela pose également d’autres questions : Miura qui tait son don pour ne pas apeurer Abe se retrouve à réagir aussi comme celui-ci le souhaite. Ne serait-ce pas le commencement d’une relation déséquilibrée malgré la bonne volonté des deux jeunes hommes ?

Communication biaisée et jardin secret

Practiced Liar est un manga original avec un fil rouge autour de la communication intéressant. J’ai apprécié les questionnements que soulève l’histoire de Miura et Abe : comment communique-t-on lorsque l’on entend les pensées de son interlocuteur ? Et sur quel curseur la notion de vie privée est-elle placée ?

Car outre la peine que l’on ressent pour Miura qui doit gérer un quotidien fait de nuisances sonores et de pensées plus ou moins agréables, je me suis également interrogée sur la notion de « jardin secret ». Même si cela n’est pas la faute de Miura, cela n’est pas non plus correct de pouvoir rentrer dans l’intimité de quelqu’un au point de pouvoir entendre ses moindres pensées.

À titre personnel et comme tout à chacun, je ne supporterais pas d’être mise à nue d’une telle manière : si chacune de mes pensées était entendue, décortiquée, et analysée, je le vivrais assez mal et à raison. Se pose également la question de comment interagir avec autrui avec un tel don ? La communication n’est-elle pas biaisée si la personne en face de nous était au courant des moindres choses qui nous chagrinent ou nous font plaisir ?

« À cause de mon côté taciturne… »

Même si certains et certaines pourraient arguer le fait que cela serait plus simple dans certaines situations, je ne suis pas persuadée que cela serait une bonne chose. Apprendre à communiquer est important, et ne pas avoir à le faire grâce à nos pensées serait malgré tout d’une certaine facilité.

De même, nos pensées sont notre jardin secret, privé et protégé du jugement des autres : cesdites pensées sont souvent spontanées, primaires et ne reflètent pas véritablement notre manière de voir les choses puisque nous réfléchissons et évoluons. Avoir la faculté d’entendre les pensées des autres ne nous permettrait pas de nouer des liens durables car les préjugés et les à priori peuvent exister dans un premier temps entre deux personnes sans que cela ne définisse à jamais leur relation.

Pour conclure, Practiced Liar est un one-shot pertinent et intéressant dans l’exploration de sa thématique. Je garde malgré tout une petite frustration à la fin de ma lecture : celle qu’il ne s’agisse pas d’une série où les personnes pourraient se développer pleinement sans être limités par le format. La psychologie des deux personnages, Miura et Abe, permettent de recouvrir un spectre plus ou moins large des possibilités et obstacles relevant d’un don aussi miraculeux que celui d’entendre les pensées des gens.

Practiced Liar
En bref
One-shot pertinent et intéressant dans l’exploration de sa thématique. Je garde malgré tout une petite frustration à la fin de ma lecture : celle qu’il ne s’agisse pas d’une série où les personnes pourraient se développer pleinement sans être limités par le format. La psychologie des deux personnages, Miura et Abe, permettent de recouvrir un spectre plus ou moins large des possibilités et obstacles relevant d’un don aussi miraculeux que celui d’entendre les pensées des gens.
Un grand merci aux éditions Taifu pour l'envoi de ce manga en service presse !
Crédits : practiced liar © MEDAMAYAKi 2020 / libre
Scénario
8
Personnages
7
Dessins
6
Ta note0 Note
0
Point(s) positif(s)
L'idée de départ et la thématique de la communication qui en découle.
Le personnage de Miura, sensible et fragile qu'on aimerait protéger.
La bienveillance d'Abe.
Point(s) négatif(s)
Un one-shot un peu court pour l'idée développée... On aimerait en avoir davantage !
Le dessin qui peut donner un effet brouillon.
Peut-être un petit manque de développement des personnages lié au format one-shot.
7.2
Note globale

Kitsu

Mon mantra : shôjo et chocolat 🍫

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