Image de couverture de du manga Scarlet Secret.

Scarlet Secret est un boys’ love manga de Tomo Serizawa, sérialisé dans le magazine from RED entre 2020 et 2021. Il est publié en français dans un unique volume aux éditions Taifu Comics le 7 juillet 2023. Il s’agit d’un récit historique qui propose une interprétation originale de la mystérieuse reine-chamane Himiko, avec une touche de surnaturel.

Contexte historique

D’après les chroniques du royaume chinois de Wei, la reine-chamane Himiko est la dirigeante du royaume Yamatai, un royaume wajin (l’une des ethnies japonaises, aujourd’hui dominante) du 3e siècle. Himiko vit essentiellement recluse dans son palais, où officient exclusivement des femmes, à l’exception d’un unique homme (L’Hérisson 2023, 23).

Toutefois si Himiko est bien documentée par les chinois, elle est absente des chroniques japonaises. À cette époque le Japon n’avait pas de système d’écriture et les premières chroniques historiques japonaises, le Kojiki et le Nihon shoki, ont été respectivement publiées en 712 et 720 à des fins politiques. Le but de ces textes est d’assoir la légitimité des cultes shintō, notamment celui de l’empereur, face à la diffusion du bouddhisme chez les wajin, et ainsi mélangent allègrement mythologie et histoire. Leur pertinence historique est donc toute relative (L’Hérisson 2023, 35).

Nos informations sur Himiko et le Yamatai nous viennent donc essentiellement de sources chinoises, du fait de relations diplomatiques et commerciales entre le Yamatai et le Wei. L’archéologie et les tentatives de rapprocher Himiko de reines ou chamanes décrites dans les Kojiki et Nihon shoki ne donnent aucune certitude encore. Deux principales théories situent le Yamatai ou bien au nord de l’ile Kyūshū, ou bien dans l’actuelle région Kansai sur l’ile Honshū (Kidder 2007, 21).

Comme on peut le constater avec l’importante bibliographie listée à la fin du manga, Serizawa s’est longuement renseignée sur la reine Himiko, le Yamatai et l’histoire prébouddhique du Japon pour élaborer son récit. L’autrice a manifestement opté pour la théorie de Kyūshū si l’on en croit les cartes représentées dans le manga.

Carte du Kyūshū.

Synopsis

L’histoire est à propos de Yamato, un garçon énergique qui se trouve être le fils du chef du village où il vit. Il est particulièrement proche de Shiki, un jeune garçon orphelin qui est ostracisé car il possède une couleur d’yeux différente des autres membres du village, et parce qu’il possède quelques capacités divinatoires.

Par « proche » il faut entendre que Yamato a juré de passer le restant de ses jours auprès de Shiki.

Image décorative, tirée du manga.

Ces beaux projets romantiques sont empêchés par Himiko qui descend un jour au village : elle choisit en effet de sacrifier Shiki aux dieux. Yamato n’accepte pas la mort de son ami et nourrit une haine intense à l’égard de la reine-chamane.

Mais de façon tout à fait fortuite, une dizaine d’années après le sacrifice, Yamato retrouve Shiki qui déclare être la reine-chamane Himiko ! Yamato va alors tout faire pour intégrer le palais afin de tenir sa promesse d’enfance, et ainsi vivre auprès de Shiki pour le restant de ses jours.

Réalisation

Le récit tourne ainsi essentiellement autour de la relation entre Yamato et Shiki d’une part, et de l’identité exacte de la reine Himiko d’autre part, avec quelques éléments géopolitiques.

Yamato est un jeune homme fort et énergique, droit et optimiste, et il est surtout profondément attaché à Shiki. Shiki est quant à lui un homme particulièrement intelligent et sensible, qui possède un physique relativement androgyne ainsi que des pouvoirs chamaniques. Le duo est donc classique et efficace.

Image décorative, tirée du manga.

En dehors du duo principal, le casting est essentiellement féminin, du fait que le palais n’est habité que par des femmes. Outre Himiko elle-même, comme rôle d’importance on note la mystérieuse Mako qui est la conseillère de Himiko, les jumelles Yū et Mei qui servent de gardes du corps/agentes personnelles de Himiko, et enfin la belle et androgyne Nashime (💕) qui s’occupe des relations diplomatiques avec les autres royaumes.

Grâce au travail de recherche de l’autrice, une grande importance est donnée aux éléments historiques et religieux de l’époque, qui mélangent des cultes proto-shintō (L’Hérisson 2023, 21). Du fait de mes maigres connaissances je ne peux pas confirmer la pertinence de tous ces éléments, notamment concernant l’utilisation de la symbolique de la voie du yin-yang, mais j’apprécie grandement ces détails, magnifiés par de très beaux dessins.

Image décorative, tirée du manga.

Le principal soucis du récit vient de sa courtesse. L’univers décrit m’a vraiment charmée et j’aurai apprécié avoir beaucoup plus de contenu et pouvoir développer les personnages qui restent un peu trop superficiels.

Sans trop dévoiler le scénario, le récit se termine par l’apparition d’un⋅e enfant. Je suppose qu’il s’agit d’Iyo (aussi nommée Toyo), la reine qui selon les Wei succèdera à Himiko sur le trône du Yamatai (Kidder 2007, 17). Je serai ravie si un jour l’autrice décide de dessiner une suite autour d’Iyo, qu’elle soit boys’ love ou non.

Bibliographie

  • Kidder, J. Edward. 2007. Himiko and Japan’s elusive chiefdom of Yamatai: archaeology, history, and mythology. Honolulu: University of Hawai’i Press.
  • L’Hérisson, Édouard. 2023. Le shintō: une introduction à l’histoire, aux concepts et aux pratiques de ce culte venu du Japon. Paris, France: Éditions Eyrolles.
Image de couverture de du manga Scarlet Secret.
Scarlet Secret
En bref
Un récit historique qui sait nous plonger dans son univers fascinant. Mais il y a un hélas un goût de trop peu.
Scénario
7
Personnages
6
Dessins
9
Ta note0 Note
0
Point(s) positif(s)
La recherche historique.
Les magnifiques dessins, qui retranscrivent bien l'époque.
Point(s) négatif(s)
Personnages et scénario classiques, même si efficaces.
Je veux une suite ou un spin-off !
7.3
Note globale
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Julia Popek

Férue d'histoire du shōjo manga et de ses dérivés. Passionnée par les œuvres de l'horreur et de l'étrange.

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