Quand une nouvelle série que j’attends sort chez nous, je ne cache jamais ma joie. J’essaie de ne pas trop la surjouer afin de ne pas créer de déceptions, mais parfois, je ne peux pas m’en empêcher. Mon côté enthousiaste sûrement… Cela étant, Ton visage au Clair de Lune, disponible aux éditions Pika, fait partie de ces titres que je ne peux pas feindre d’aimer. Son chara-design envoûtant, ses personnages passionnants… autant de critères pour me faire fondre.
Ton visage au Clair de Lune appartient aux pépites du magazine de prépublication Dessert. J’utilise ce terme à dessein, car depuis ces dernières années, je suis satisfaite de ce qui en sort. Parmi mes coups de cœur figurent A sign of affection, À tes côtés ou bien encore @Ellie. De jolies romances lycéennes que je prends grand plaisir à lire, relire et savourer sans jamais saturer. D’ailleurs Mika Yamamori, l’autrice, n’est pas inconnue au bataillon puisque nous l’avons découverte quelques années auparavant, chez Kana, à travers Daytime Shooting Star, une romance en 14 tomes.
Ce shôjo compte actuellement 6 tomes au Japon (le 7e est prévu pour la mi-octobre), tandis que nous en sommes au 5e. C’est la raison pour laquelle cette chronique portera sur ces 5 volumes, tout en me gardant bien de spoiler trop d’éléments.
Du fait de sa taille élancée, son timbre de voix plus grave et sa coupe de cheveux courte, Yoi Takiguchi est surnommée « Le Prince » par ses camarades. Son attitude chevaleresse lui vaut d’être adulée autant par les filles que les garçons.
Un jour, elle tombe nez à nez sur l’autre prince du lycée, Kohaku Ichimura, qui la prend pour un garçon au début. Plusieurs rumeurs circulent à son sujet : on dit qu’il serait extrêmement riche (avec un grand-père milliardaire) et qu’il aurait fait pleurer quelques filles. Sympa le portrait !
De fil en aiguille, ils ont l’occasion de davantage échanger et apprendre à se connaître. Le lycéen lui avoue même être fasciné par Yoi et sa beauté. De son côté, la demoiselle, peu habituée à susciter ce type d’intérêt, se retrouve perturbée par cet adolescent d’un an son aîné. Il lui propose même, pour plaisanter (d’après ce qu’il dit) de sortir avec elle. Et elle accepte… en guise de test.
Briser la glace
Ton visage au Clair de Lune est une romance traditionnelle dans le sens où Yoi tombe sur le héros complètement par accident, tandis que la coïncidence faisait que ses deux amies (Nobara et Kotobuki) et elle discutaient de lui quelques instants avant. Comme souvent dans ces cas-là, tous deux vont avoir de nombreuses occasions de se retrouver dans un même lieu et lier davantage connaissance. Le hasard fait souvent bien les choses.
Pour ma part, j’adore parce que cela me fait penser à de nombreux shôjo lycéens plus anciens, le côté baiser volé en moins (tant mieux) ! Ici, l’autrice s’amuse à créer une rencontre presque exagérée : Kohaku saute de l’escalier et atterrit à quelques pas de notre héroïne. On sent que ce sera le début d’une histoire haute en couleurs, avec des personnages qui ne nous laisseront pas indifférent·e·s.
Les choses pourraient en rester là et il n’y aurait pas d’histoire, mais c’est sans compter l’audace de cet adolescent qui clame haut et fort à quel point Yoi l’attire. La glace déjà bien brisée se retrouve détruite en mille morceaux. Comme on s’en doute, de l’attirance à l’amour, il existe un petit chemin que nos deux protagonistes empruntent malgré eux à mesure qu’ils en découvrent les tenants et les aboutissants.
Forcément, leur relation va être mise à l’épreuve dans le but de renforcer leur lien. C’est ainsi que vont apparaître des obstacles à la fois externes et internes : externes notamment par la présence d’un autre personnage qui va graviter autour de Yoi (l’autrice pousse le gag plus loin en l’appelant Ôji qui veut aussi dire prince), internes parce qu’ils ont tous les deux beaucoup à gérer personnellement en devant se poser les bonnes questions.
Toutefois, on ne peut pas oublier les belles amitiés qui nous sont dépeintes. Kohaku est très proche de deux garçons, avec lesquels il passe le plus clair de son temps. Ce sont ses confidents et un peu ses nounous, pour lui qui semble vivre assez seul en fin de compte. On les voit souvent échanger, leur sujet de conversation étant souvent le prince de 1re année. Quant à Yoi, elle a aussi deux amies (que j’ai évoquées plus haut dans cette partie) : elles la connaissent très bien. Elles échangent souvent entre elles et leur soutien fait très plaisir à voir.
Les vertiges de l’amour
S’il y avait une preuve que l’amour puisse donner des ailes, Ton visage au Clair de Lune nous le fait comprendre très clairement. Que ce soit Yoi ou Kohaku, leur relation les transforme, sans non plus changer leur être.
Leur relation débute sous la forme d’un test avec un contrat définissant ses limites et sa durée. L’issue est évidemment connue, mais comme j’aime à le dire, ce n’est pas le plus important. L’intérêt ici réside dans les termes de cette entente (assez mignons puisque c’est Yoi qui les suggère) et l’évolution voire l’abandon du pacte. J’aime voir la tension qui peut se créer entre les deux personnages, la découverte parfois conflictuelle des sentiments (ainsi que leur acceptation), les phases de jalousie, etc.
Chacun d’eux vit ce rapprochement différemment. De son côté, Kohaku, qui donne l’impression de mieux maîtriser le jeu amoureux est totalement épris de la lycéenne. Son physique l’attire, mais pas que. Elle l’intrigue, le pousse dans ses retranchements. Et pour la première fois, il quitte son attitude nonchalante. Beau garçon, il fait des ravages sur son passage : nombre de filles rêvent de sortir avec lui. Seulement, c’est aussi pour un motif plus intéressé vu la situation financière de sa famille. L’amour n’est pas sa priorité, il s’en fiche en fait. Il veut simplement s’amuser, tout en évitant les complications. Pas d’attaches, pas de problèmes. Ça, c’était avant.
Yoi lui fait révéler une autre facette de lui-même. En dehors de ses hormones en ébullition, on le voit exprimer toutes sortes de sentiments, loin de son regard blasé habituel. Son côté coquin peut éventuellement déplaire mais la mangaka ne manque pas de nous montrer davantage de nuance. C’est à ce moment-là que nous avons accès à ses pensées, nous permettant de mieux le cerner. Et entre nous soit dit, j’éprouve un malin plaisir à le voir ébranlé dans ses certitudes. Lui qui se pensait trop fort pour tomber amoureux se retrouve totalement touché par la flèche de Cupidon.
Quant à notre héroïne, elle se surprend elle-même à agir spontanément, ce qui n’est pas naturel pour elle qui est plutôt réservée. Même, elle remarque que sa relation avec Kohaku la pousse à en vouloir plus, à demander davantage. Finalement marcher côte à côte n’est plus suffisant : elle veut plus de contact physique alors qu’elle avait exprimé l’inverse dans le contrat qu’elle a rédigé. C’est dire l’évolution ! Sans devenir possessive, la lycéenne a envie que son petit ami soit encore plus accro à elle.
À ses côtés, elle expérimente de nombreuses premières fois tout comme lui. Ils s’en retrouvent tout chamboulés. Je trouve ça tellement touchant, tellement beau !
Jeux de regards
Tout au long de ces 5 tomes, Mika Yamamori insiste énormément sur le regard des personnages, en particulier notre duo principal. On sent qu’elle travaille particulièrement cet aspect car après tout, les yeux sont le miroir de l’âme.
Qu’il se veuille blasé, parfois inexpressif pour Kohaku, il révèle plus de chaleur lorsqu’il converse avec Yoi – pour mieux nous montrer son intérêt pour elle. Bien sûr, cela reste subtil mais ces changements existent. J’adore énormément lorsqu’il rougit ou est surpris !
Il se dégage beaucoup de sensualité à travers les différentes cases ; ça ne me dérangerait pas que l’histoire s’oriente vers quelque chose de moins chaste. Les personnages étant mineurs, restons tout de même raisonnables dans ce qui peut être montré. Autant l’héroïne que le héros, tous deux nous attirent et nous aspirent dans leur spirale amoureuse. C’est presque comme s’ils nous sondaient au plus profond de notre âme tellement leur regard est intense à certains moments.
Je suis même assez souvent happée par les dessins de la série que j’en oublie presque de lire les bulles. Heureusement de nombreuses cases ne sont pas parlantes, ce qui permet de mieux admirer la composition sublime qui nous est présentée. La mangaka l’exprime assez souvent par le biais de successions de cases qui séquencent une seule action.
Yoi, l’anti-héroïne ?
Yoi n’est pas une héroïne qu’on a l’habitude de voir dans le paysage de la romance scolaire shôjo. Elle détonerait presque. N’ayant pas une connaissance exhaustive du domaine, je me garderais bien de l’ériger en exception parmi la règle.
Son physique élancé combiné à ses traits délicats lui donne une allure plutôt androgyne, ce qui crée la confusion parmi ses camarades, Kohaku le premier. Elle rend souvent service aux autres, du fait de sa plus grande taille, donnant l’impression d’un chevalier venant à la rescousse de la demoiselle en détresse.
D’ailleurs, Mika Yamamori matérialise ces scènes grâce à une multitude de roses entourant notre protagoniste, comme pour mieux symboliser cette aura magnétique qu’elle dégage. Cela me fait un peu penser à la revue exclusivement féminine Takarazuka et ses représentations de comédies musicales très réputées. Certaines comédiennes jouent des rôles masculins (otokoyaku), tandis que d’autres interprètent des rôles féminins (musumeyaku) : elles adoptent ainsi les codes de chaque genre pour se mettre dans la peau des personnages.
Dit comme ça, notre héroïne pourrait ressembler à l’archétype de la pick me, cette fille pas comme les autres, qui vaut mieux que celles qui assument leur côté féminin. Que nenni ! Certes, Yoi ne correspond pas au « modèle » de la jeune fille de taille moyenne à l’apparence jolie mais pas non plus extraordinaire. Néanmoins, elle coche beaucoup de cases et son rapport à la féminité est plus complexe que cela. Elle reste notamment sur la réserve et possède finalement peu d’expérience en matière d’amour – d’après ce que l’on observe.
Qui plus est, je me suis prise d’affection pour cette lycéenne qui ne veut pas montrer sa méconnaissance de la chose et oppose de la résistance par principe. On sait que c’est une façade puisque son visage rougissant la trahit, mais elle s’interroge tout en posant ses limites. En tant que filles, et plus tard femmes, on nous fait comprendre que c’est mal vu d’exprimer nos désirs ouvertement : on serait alors des « filles faciles ». La lycéenne s’inscrit totalement dans cet enseignement.
Toutefois, son contact avec Kohaku la voit malgré elle – comme si une force supérieure l’animait – répondre parfois très directement à ses sollicitations. Ça la surprend autant que lui, et de mon côté, je suis ravie ! Il lui fait aborder sa féminité autrement, elle qu’on ne voulait pas considérer comme telle parce qu’elle ne correspond pas véritablement au cliché de la jeune fille en fleurs. Trop grande, pas assez girly, trop charismatique… elle ferait presque peur aux garçons (il leur en faut peu visiblement).
En cela, sans non plus prêter de vertu philosophique à l’œuvre, celle-ci nous interroge sur nos préconceptions liées à ce qui doit être masculin et féminin. Est-ce que récupérer un volant de badminton un peu haut est l’apanage des garçons ? Avoir des cheveux courts signifie-t-il qu’on abandonne toute féminité ? Et finalement, qu’est-ce que la féminité ?
Tu l’auras compris, je suis complètement tombée sous le charme de Ton visage au Clair de Lune. Il s’agit d’un véritable coup de cœur ! J’adore suivre la romance entre ce jeune homme qui se retrouve malgré lui totalement épris de Yoi, le chamboulant dans ses certitudes les plus profondes. Et de l’autre côté Yoi, qui malgré son charisme ravageur, nous montre une autre facette, plus émotive qu’elle ne le laisse paraître.