Récemment j’ai pu lire le manga La grossesse de M. Hiyama, publié par Akata (bien sûr) et qui se passe dans un univers alternatif où les hommes peuvent également tomber enceints. J’ai également vu le drama, et j’ai trouvé que c’était un bon moyen d’évoquer la réalité de la grossesse féminine dans la réalité !
Contrairement à l’univers Omegaverse, La grossesse de M. Hiyama se passe dans un monde identique au nôtre. Sauf pour un détail. 10 ans plus tôt on a vu apparaître le phénomène des hommes enceints. C’est donc plutôt nouveau et beaucoup d’hommes pensent que ça ne les concerne pas. Pire, dans le drama les cas d’hommes enceints sont encore plus rares, Kentarô Hiyama ayant du mal à croire qu’il soit tombé enceint alors que c’est normalement la spécificité des femmes.
Alors que dans les Omegaverse, cette situation fait partie de la normalité – ça a toujours été comme ça et le monde s’y est adapté parfaitement, ici nous nous trouvons dans un univers où voir un homme tomber enceint est encore vu comme une anormalité.
On suit donc Kentarô Hiyama, qui apprend qu’il est tombé enceint – apparemment d’Aki, une des femmes avec qui il couche le plus souvent. Dans le manga, il s’en servira comme d’une arme contre les préjugés.
Eh oui, pour cet article j’ai lu le manga puis binge-watché le drama ! Tout ça pour ton plaisir et parler de ce sujet avec le plus d’éléments possibles.
Qui est Monsieur Hiyama ?
Un aspect intéressant de La grossesse de M. Hiyama c’est que le manga et le drama ne racontent pas exactement la même chose, tout en abordant le même sujet : un homme tombe enceint alors qu’il ne s’y attendait pas. La principale différence c’est que le drama va plus loin que le manga, qui montrait plusieurs cas différents.
Dans le manga Kentarô Hiyama est un coureur de jupons, plutôt bien placé dans une entreprise de restauration. Tout change cependant quand il se rends compte qu’il est tombé enceint, ce qui a commencé à arriver à certains hommes depuis 10 ans. C’est cependant encore assez rare pour qu’il n’ait pas pensé que ça pouvait lui arriver. Il découvre rapidement que la mère ne peut être que Aki, une des femmes avec qui il couche de temps en temps.
Tandis que dans le drama, il travaille dans la publicité et vient d’obtenir un énorme contrat pour son entreprise. Au début, il ne se croit pas enceint, mais simplement malade. Ce phénomène est tellement rare au Japon que la télévision donne des exemples qui viennent des Etats-Unis quand il évoque ce sujet. Progressivement, sa grossesse l’amène à perdre son statut dans l’entreprise jusqu’à ce qu’une nouvelle opportunité se présente.
Le sexisme face à la grossesse
De mon expérience, les hommes ont tendance à beaucoup moins se préoccuper de l’arrivée d’une grossesse (ou je ne suis vraiment tombée que sur des salopards), et cela ne fait pas exception dans La grossesse de M. Hiyama où, que ce soit le drama ou le manga, on a un homme qui a la possibilité de tomber enceint mais est choqué quand cela lui arrive.
De manière intéressante, dans le manga il pense à avorter mais c’est plus une hésitation qu’autre chose. Dès le premier chapitre il s’étonne même de vouloir le garder alors qu’il vient d’apprendre qu’il est enceint. Dans le drama, faire une démarche pour avorter est son premier réflexe et cette partie dure un long moment avant qu’il décide finalement de le garder pour obtenir une nouvelle opportunité professionnelle.
Dans les deux versions il fait face à de la discrimination avec des réflexions comme « c’est le job des femmes de porter les enfants ». Cependant, il n’a pas la même réaction.
Dans le manga, il cache son état jusqu’à ce qu’une femme vienne le voir pour lui révéler l’avoir vu rentrer dans une maternité. Les réactions du genre « pauvre bébé, sa mère est un homme, c’est vraiment pas de chance » ou « je ne pourrais jamais sortir avec un homme enceint » lui donnent alors la motivation pour garder son enfant, pour prouver qu’il peut avoir sa place en tant qu’homme enceint.
Dans le drama, il le dissimule désespérément à son entreprise tandis qu’il descend peu à peu les rangs à cause de son état maladif qu’il est incapable d’expliquer. Au bout d’un moment, il se retrouve même à faire du rangement avec les femmes. Je trouve ça vraiment intéressant car on a là une image où il est le seul homme à faire de petites tâches importantes faites uniquement par les femmes, étant les seules à y penser. Ce qui l’amène à finalement décider de garder son enfant, ce sont d’abord les réactions de certaines personnes qui ressentent un malaise quand il parle de son désir d’avorter, ce qui se comprend car ce n’est pas un acte anodin. Ensuite c’est le client à qui ils doivent faire une pub pour leur produit et à qui il propose de poser en tant qu’homme enceint, ce qui attirerait l’attention à raison.
Au final, cela lui permet de se rendre compte de ce que doivent vivre les femmes qui attendent un enfant. Dans le drama, il finit par parler de la difficulté que cela représente à deux femmes qui rient, lui faisant la remarque que c’est quelque chose qu’elles vivent également sans que personne n’en parle ni qu’elles s’en plaignent parce que « c’est comme ça ».
Le manga fait beaucoup plus de ce côté-là avec notamment le cas d’une femme qui est tombée enceinte d’un homme infidèle dont elle était l’amante, et le cas d’une autre femme dont le mari est enceint de leur deuxième enfant. Il aborde d’autres types de situations comme une femme travaillant dans la même entreprise que M. Hiyama et qui appelle pour annoncer qu’elle ne pourra pas venir à cause de ses nausées. L’homme à l’autre bout du fil argumente que ce n’est pas une raison, qu’elle pourrait « faire un effort ». Un détail intéressant !
Les différents cas dans le manga
De manière générale, le drama se concentre plus sur le milieu professionnel, tandis que le manga montre de nombreux cas en dehors de celui de Kentarô Hiyama. Je vais te parler de tous ces cas, sauf celui du dernier, celui de l’enfant à qui il a donné naissance
Le manga s’intéresse à Aki, la mère de l’enfant qu’il porte. C’est un cas présent également dans le drama bien entendu. Dans cette adaptation, elle subit des pressions de la part de sa famille, lui demandant de se ranger, d’avoir un mari et un enfant, alors qu’elle préfère être plus libre. Dans le manga, elle se contente de clamer qu’elle ne veut pas d’enfants, pour se sentir d’humeur maternelle quand elle apprend que Kentarô est enceint. Sa situation est donc davantage développée dans le drama.
Plus tôt, j’ai parlé d’un autre cas intéressant, celui de Noriko Miyaji et de son mari enceint. Tous deux sont plutôt âgés et ont déjà un enfant, que Noriko a porté. On en profite pour faire une comparaison directe entre lorsqu’elle était enceinte et à présent, où c’est au tour de son époux de l’être ! Dans un flashback, on la voit lui être soumise : il n’avait aucune considération pour ce qu’elle devait ressentir, lui reprochant même de ne pas avoir assez cuisiné. Ceci est mis en parallèle avec sa frustration de le voir continuer à ne rien faire et se plaindre de se sentir vaseux et vouloir que les congés parentaux commencent dès le début de la grossesse. Basiquement, il s’agit là d’une réponse à la question que je me pose dans cet article. Qu’est-ce que ce manga peut nous apprendre sur la réalité de la situation des femmes enceintes ? Femmes qu’on a habituées à se taire sur ce qu’elles peuvent ressentir tout en continuant à travailler, alors que les hommes iront plus volontiers dans l’expression de leurs sentiments négatifs.
Par ailleurs, on voit le mari essayer de communiquer avec sa femme, souhaitant probablement avoir un peu de réconfort, alors qu’elle fait tout son possible pour éviter d’en parler. Alors qu’on pourrait croire qu’un homme clairement macho comme lui serait celui à trouver cette situation anormale, Noriko est celle qu’on voit se plaindre. Pour elle, c’est le rôle des femmes de porter les enfants. Ce qui a du sens parce que c’est une tendance normale de vouloir s’approprier nos souffrances et j’ai déjà vu des femmes se battre contre l’égalité femme-homme parce qu’elles considèrent qu’elles ne sont rien si elles n’ont pas ce rôle spécifique dans la société.
En troisième cas, on a celui de Tsubasa Utsumi, un lycéen qui est tombé enceint de sa copine et a dû avorter puisqu’il ne se sentait pas prêt à avoir un enfant. Le sujet de l’avortement étant un sujet dur, il n’en a parlé qu’à sa copine, et ses parents qui l’ont même poussé à avorter. Comme ça peut malheureusement arriver, cet avortement a jeté un froid dans leur couple, qui est au bord de la séparation. Un bon rappel que, quoi qu’en disent les pro-vies, l’avortement n’est pas quelque chose de pris à la légère. Il peut être une nécessité pour des personnes qui se retrouvent prises au piège pour une raison ou une autre. Par exemple, ils ont été naïfs et ne se sont pas protégés quand ils auraient dû. Je sais que certains jeunes pensent également qu’il est impossible de tomber enceinte la première fois, d’où l’importance de l’éducation sexuelle.
Le dernière situation concerne Mizuki Kawabata, une femme qui est tombée enceinte après une ultime nuit avec l’homme dont elle est la maitresse. Alors que son premier réflexe a été de lui promettre qu’il allait rompre avec sa copine et qu’il allait l’épouser, il rétropédale. Il se fiance finalement avec sa copine officielle et demande expressément à son amante d’avorter. Mis en parallèle avec celui de Monsieur Hiyama, ce cas illustre à la perfection l’idée dont j’ai parlé plus tôt selon laquelle les hommes ont tendance à moins se préoccuper de la grossesse que les femmes. Après tout, cet homme apprend qu’il va être père et prend le sujet à la légère. Il ne s’est même pas protégé alors qu’il trompe sa copine avec Mizuki, pour ensuite lui demander d’avorter par e-mail, disant qu’il préférerait qu’elle laisse tomber et en lui proposant une compensation financière Comme si c’était une décision simple à prendre !
C’est finalement la rencontre de cette femme avec Monsieur Hiyama qui va l’encourager à se servir de sa grossesse en tant qu’arme, comme lui, alors qu’elle était prête à rester soumise à cet homme qui se moque ouvertement d’elle. J’aime d’ailleurs qu’elle fasse la remarque à son amant qu’il aurait eu un discours différent si c’était lui qui était tombé enceint à sa place !
Le drama se concentre énormément sur Aki et Kentarô Hiyama, profitant de leur cas pour développer les inégalités femme-homme au travail et notamment concernant les femmes enceintes à qui on en demande autant que les autres personnes. Ce sujet est présent de manière différente dans le manga, qui se concentre sur plusieurs cas différents. Dans tous ces exemples, on y voit également une manière de prendre la grossesse et l’avortement à la légère, comme si on ne parlait que d’aller acheter le pain. C’est finalement très intéressant à lire pour comprendre la complexité de ce sujet, mis en lumière sous le prisme d’un univers alternatif où les hommes peuvent d’un seul coup tomber enceint alors que ça a toujours été la spécificité des femmes.