Nous voilà déjà le dernier jour de la Semaine du Shôjo 2024 ! Je te propose donc un article dédié aux héroïnes timides et réservées sous forme d’une ode. Parce que je les adore !
Certain·e·s les détestent, d’autres les apprécient énormément et s’émeuvent de leur sort. Il est donc rare que les héroïnes timides et/ou introverties laissent de marbre. Jugées parfois inintéressantes, moquées pour leur absence de répartie, on les critique parfois parce qu’elles ne parlent presque pas.
Pourtant, elles ont beaucoup à nous offrir puisque leur développement est très souvent bien réalisé. N’est-il pas plaisant de voir une jeune fille réservée s’affirmer davantage et oser s’exprimer ? C’est la raison pour laquelle, j’ai envie de leur rendre hommage à travers cet article qui établit le portrait – non exhaustif – de cette catégorie de personnages féminins, que j’aime retrouver dans les shôjo.
Un panel varié de situations
Traumatismes et moqueries
Certaines de ces héroïnes ont parfois subi un traumatisme étant plus jeunes ou ont été victimes de moqueries. De ce fait, elles se sont renfermées sur elles-mêmes, apprenant à vivre de leur côté sans prendre trop de place. La discrétion les caractérise à tel point qu’on pourrait presque passer à côté d’elles sans les apercevoir.
Elles se confrontent par exemple à la peur de l’échec, comme Keito de Cat Street. Très jeune, elle faisait du théâtre mais lors d’une représentation, elle se retrouve comme figée sur scène. Des années plus tard, elle reste prostrée dans sa chambre, sortant à de rares occasions. Autant dire que sa confiance en elle est très basse.
D’autres tentent de ne pas se faire remarquer comme Miyo dans My Happy Marriage. Maltraitée par sa famille, la jeune femme a beaucoup de mal à exprimer ce qu’elle pense car on ne lui a jamais laissé cette opportunité. Réduite au rang de servante parmi les siens, elle baisse le regard à chaque fois qu’on lui adresse la parole, s’excusant pour tout et rien, s’excusant d’exister.
Pour Mei, la lycéenne de Say I Love you, se mêler des affaires des autres, très peu pour elle. Elle n’aspire qu’à une chose : qu’on la laisse tranquille. Ses camarades l’embêtent ? Elle s’en fiche… car elle a l’habitude. Un peu résignée à finir sa scolarité seule, elle affiche sa mine renfrognée, sans une once de regret. Au moins, c’est efficace pour éloigner quiconque tenterait de se rapprocher d’elle…
De leur côté, Sawako et Uka (Honey Lemon Soda) ont été la risée de leurs camarades à une époque de leur vie. La première pour sa ressemblance avec le personnage de Sadako, qui apparaît dans le film d’horreur The Ring. La seconde pour son manque d’expression et de répondant. Entre voix tremblante, bafouillages et absence de réponse, elles ne sont pas très loquaces au début de leurs histoires respectives. Qu’il sera long le chemin vers l’affirmation de soi, mais la technique des petits pas est souvent celle qui s’avère la plus efficace.
Image renvoyée vs. le for intérieur
Beautés inaccessibles, fille à l’allure princière ou demoiselles semblant déborder de confiance en elles, quelques héroïnes pourtant loin d’être véritablement extraverties renvoient une image contraire de ce qu’elles sont en réalité. Ce statut d’idole leur pèse plus qu’il ne leur sert, les contraignant à un rôle qui ne leur correspond pas.
Ran (Jardin Secret) et Suiren (Hibi Chouchou) correspondent aux premières. Belles, taiseuses et à l’aura magnétique, elles attirent autant qu’elles effrayent les garçons. Si la protagoniste du shôjo d’Ammitsu n’essaie pas de contredire les rumeurs à son sujet, la seconde préfère rester dans son coin habituée à vivre dans son monde. La seule personne avec laquelle Suiren communique est son amie d’enfance, Aya. Néanmoins, lorsqu’on apprend à les connaître, on s’aperçoit qu’elles sont beaucoup plus humaines, sympathiques et tendres qu’on ne veut le leur faire croire.
Yoi (Ton visage au clair de Lune) est quant à elle cette jeune lycéenne timide mais qui dégage un charisme quasi chevaleresque, à tel point qu’on la surnomme Le Prince. Il faut dire que sa coupe de cheveux courte, peu commune, provoque quelques quiproquos chez certains camarades. En revanche, elle est peu loquace en ce qui concerne ses sentiments : elle nous dévoile davantage ses pensées (et doutes) que ses interactions avec autrui. Toutefois, lorsqu’on la voit échanger avec Kohaku ou ses amies proches, on entrevoit une demoiselle fort expressive et mignonne.
Isolement voulu ou contraint
Pas nécessairement timides, il existe également des héroïnes de shôjo qui préfèrent soit rester en dehors de toute relation sociale soit les limiter. Elles sont alors introverties. Préférant leur bien-être et équilibre intérieur, elles n’aiment pas qu’on les dérange.
Pour Makio, la tante d’Asa dans Entre les lignes, rien ne vaut le confort de son appartement. Plus cette trentenaire se tient éloignée des autres êtres humains, plus c’est simple pour elle et mieux elle se porte. Cela ne l’empêche pas de sortir avec quelques copines pour prendre un verre. Mais on la voit davantage traîner son jogging chez elle, qu’à l’extérieur. En même temps, le canapé est si doux…
En revanche, l’héroïne de Princess Jellyfish, Tsukimi, est un peu différente. Elle n’aime pas spécialement la foule. On la comprend… c’est stressant et parfois oppressant. En plus, les personnes belles la rendent nerveuse. Rêvant de devenir illustratrice, elle était montée à la capitale (pas le meilleur endroit si on veut rester à l’écart du monde mais les opportunités sont plus nombreuses) pleine d’espoirs. Seulement, sortir quelques instants est une épreuve ô combien difficile pour la jeune femme. Par exemple, lors de son excursion à Shibuya, elle se retrouve soudainement prise de vertiges, avec le palpitant qui s’affole. Malgré tout, elle se plaît à cohabiter avec d’autres jeunes femmes, les Amars, qu’elle a rencontrées grâce à Internet. Et surtout, elle se sent bien aux côtés des méduses. C’est son havre de paix.
Mais ce repli sur soi n’est pas toujours désiré. Quand la timidité est trop importante, que les repères sont bouleversés ou que la vie l’a créée, l’héroïne se retrouve finalement sans grandes interactions sociales.
C’est le cas de Chikage (I dream of love), une femme âgée de 31 ans, loin d’être passionnée par son travail. Elle ne s’entend pas non plus à merveille avec ses collègues et ses seuls contacts sur les réseaux sociaux sont des bots. Pourtant, lorsqu’elle était adolescente, son avenir était prometteur : élève brillante, des prétendants, etc. Les illusions de l’adolescence sont passées, il ne reste plus que le goût amer des regrets de sa vie actuelle.
De même, Yuna de Love, be loved, Leave, be left s’inquiète de ne pas se faire d’amies alors que l’année scolaire va commencer. Elle reste assez réservée au début de l’histoire. La lycéenne n’ose pas trop s’exprimer : elle bafouille et rougit. Peu de mots sortent de sa bouche, son regard fuit le contact. Notre héroïne paraît alors éteinte…
Une vie intérieure riche et des filles passionnées
Vues de l’extérieur, elles pourraient passer pour des chiffe-molles mais il n’en est rien pour qui se donne la peine de vouloir les connaître – parmi les protagonistes. Bien au contraire, ce sont souvent des jeunes filles et des femmes passionnées. Les découvrir c’est entrer dans leur riche monde intérieur, mu par des activités faisant souvent appel à la créativité et la sensibilité.
Car qui de mieux pour représenter le monde que ces héroïnes observatrices qui en saisissent les subtilités ? L’art est devenu leur mode d’expression fétiche, dans lequel elles peuvent se donner corps et âme.
Par exemple, Kira trouve du réconfort dans le dessin. N’estimant pas sa voix suffisamment importante pour qu’elle atteigne les autres, elle préfère la faire entendre à travers son coup de crayon. Même lorsqu’elle échange avec Rei pour la première fois, plutôt que de lui parler, elle croque le plan d’accès au centre médical de l’université et le lui tend. Puis, elle s’enfuit, contrariée.
Makio, de son côté, manie les mots comme personne. S’il lui est parfois difficile de s’exprimer avec sa nièce, elle n’a pas son pareil pour donner vie aux personnages de ses romans. Cela donne d’ailleurs des conversations très étranges mais intéressantes avec Asa.
Chanteuse depuis toute petite, Nino de Masked noise arbore un masque la plupart du temps. Préférant s’économiser la voix, on ne l’entend que très peu articuler de mots à part pour entonner une mélodie. En revanche, dès que l’occasion se présente de chanter, elle se métamorphose. Finie l’adolescente réservée, l’heure d’exposer toute sa rage de vivre est venue. Elle surprend tout le monde, qui ne s’attend pas à ce qu’elle déverse autant son âme à travers sa voie.
Hotaru dans L’Académie Alice est une fillette peu bavarde, n’aimant pas se mêler des affaires des autres (ni qu’on intervienne dans les siennes). Elle affiche souvent son regard neutre et ne montre souvent d’engouement qu’à travers ses inventions technologiques, aidée par son Alice. Celles-ci se révèlent très utiles tout au long de l’histoire.
Quant à Tsukimi, si les relations sociales ne sont pas sa tasse de thé, c’est le dessin qui l’anime. Avec les autres Amars, elle aide par exemple sa colocataire mangaka lorsque la deadline approche. Également passionnée par les méduses, elles représentent ses sujets favoris d’illustrations. Elle crée même des accessoires mignons à l’effigie de son animal fétiche.
Il s’agit d’exemples parmi tant d’autres, mais ils nous montrent à quel point ces demoiselles et jeunes femmes s’épanouissent dans divers domaines. Elles ne sont ainsi pas réduites à leur trait de caractère qu’est la timidité.
Ces rencontres qui peuvent tout changer
Quand la timidité est vécue comme un frein, il arrive souvent que nos héroïnes lient connaissance avec la ou les personnes qui sauront voir en elles des êtres captivants et dignes d’intérêt. Ces rencontres ne sont pas nécessairement à finalité amoureuse, elles peuvent être amicales voire ni l’une ni l’autre. Ici, il est davantage question des éléments déclencheurs à leur changement.
Même si pour Uka, Kai lui vient en aide à un moment difficile et apparaît comme une lueur d’espoir dans son ciel sombre, il n’éprouve aucun intérêt pour la jeune collégienne puis lycéenne. En revanche, Uka l’admire pour son assurance ; ce qui lui donnera le courage d’exprimer frontalement ce qu’elle souhaite pour la première fois.
De façon différente, Kohaku (Ton visage au clair de Lune) semble tout de suite séduit par l’aura de Yoi. La jeune fille a son cercle d’amies proches, s’épanouit à sa façon et n’a en somme pas besoin d’être sauvée de quoi que ce soit. Pourtant, leur relation lui offrira une autre vision des choses, la sortant de sa zone de confort, elle qui ne demande jamais rien et se satisfait de peu.
Pour Yuna, c’est à la fois la rencontre de Rio, un beau garçon qui vit près de chez elle, et de sa sœur par alliance Yukari qui va lui permettre de retrouver confiance en elle et d’enfin relever la tête. Ici l’amitié et l’amour donnent des ailes à notre héroïne, et c’est sublime à observer.
Quant à Chikage, renouer avec son ancien ami du lycée crée en elle de nouveaux espoirs. Alors qu’elle était complètement à la dérive, elle a l’occasion de revivre sa jeunesse, pour corriger ce qui lui fait défaut à l’âge adulte. Elle se lie ensuite d’amitié avec plusieurs personnes, par le biais de sa carrière d’idol débutante.
Dans le cas de Keito, c’est parce qu’elle a croisé le directeur d’une école de la deuxième chance qu’elle a pu sortir de sa léthargie. Il était là et lui est venu en aide alors que tout espoir en elle était anéanti. Il s’est toutefois bien gardé de lui imposer quoi que ce soit. Néanmoins, elle a saisi cette opportunité ; ce qui a littéralement changé sa vie… Le temps, qui s’était arrêté pour elle, se remet en marche à mesure qu’elle reprend son destin en main et affronte progressivement son traumatisme.
La société valorise davantage les personnalités expansives, faisant croire que les personnes plus réservées sont moins passionnantes. Pourtant, que ce soient des protagonistes fictifs ou des femmes et hommes du monde réel, les timides nous font voir la vie autrement à travers leur créativité et leur sens aigu de l’observation. Les héroïnes de shôjo n’y font pas exception grâce aux différents talents qu’elles développent. En plus, quand elles parviennent à leurs objectifs, c’est très satisfaisant à voir.