Interview de l'auteur de Bienvenue au club : Nikki Asada

Invitée par Japan Expo pour son édition 2014, la talentueuse Nikki Asada a effectué son premier voyage en dehors du Japon. Club Shôjo a pu rencontrer l’auteure lors d’une interview et au cours de sa conférence publique. Cet article te présente le compte-rendu de ces deux rendez-vous.

L’auteure

nikki asada
La talentueuse Nikki Asada

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours professionnel ?

Il y a 6 ans, j’ai débuté avec Akita Shoten, l’éditeur de Bienvenue au club. Par la suite, j’ai fait d’autres séries avec d’autres éditeurs comme Kodansha.

Comment êtes-vous entrée dans le manga ? Et comment avez-vous eu envie d’en faire votre métier ?

Au début, j’écrivais des fanzines (dôjinshi). Je n’avais pas spécialement envie de devenir professionnelle et puis quelqu’un de chez Akita Shoten m’a repérée et m’a proposé d’écrire un manga. Cela s’est donc fait grâce à la chance.

Comme vous vous considérez comme une otaku, avez-vous un titre de manga ou d’anime à nous faire partager ?

C’est Yowamushi Pedal (NDLR : série inédite en France comprenant actuellement 38 tomes) chez Akita Shoten traitant de courses de vélo. Je regarde aussi l’anime.

Quel est votre mangaka préféré et celui qui vous inspire le plus ?

Il s’agit d’Iguchi Asa (NDLR : l’auteur du seinen sportif Ôkiku Furikabutte, encore inédit en France).

Avez-vous d’autres passions en dehors du dessin ?

Les voyages et la lecture.

Quelle est l’histoire sur laquelle vous préférez travailler ?

Celle qui me convient le plus est Bienvenue au club.

Bienvenue au club

bienvenue au club akata
Visuel du tome 1 du shôjo Bienvenue au club

Comment Bienvenue au club est-il né ? Dans quelles conditions l’avez-vous créé ?

C’est en lisant, en regardant des drama, en discutant avec mes amis et par moi-même en pensant à ma propre enfance que j’ai eu l’idée de ce manga.

Quel est le public visé ? Étant donné qu’il y a de la romance, s’agit-il seulement des filles ou la cible est plus large ?

Je cherche à viser principalement les filles du collège/lycée ayant le même âge que mes personnages mais je suis très contente si d’autres personnes d’âges différents apprécient également ce manga.

La série compte 8 volumes au Japon et est toujours en cours. Au début, pensiez-vous qu’elle aurait autant de succès ?

Au départ, il n’y avait que 3 chapitres de prévus. Comme ils se sont bien vendus, on m’a proposé d’écrire un tome, ensuite trois puis cinq. À la fin, on m’a dit que cela marchait bien et que je pouvais écrire autant que je le souhaitais.

N’a-t-il pas été difficile de poursuivre ce shôjo au-delà de ces trois chapitres ?

Non, cela n’a pas été difficile puisque les personnages étaient assez profonds et il a été simple de prolonger l’histoire. Par contre, si j’avais su dès le début que ce serait une série, je n’aurais pas fait couper les cheveux d’Okinoshiwa aussi vite par exemple. J’aurais un peu prolongé le suspense.

C’était assez surprenant d’avoir un personnage qui aime bien se vêtir ainsi et qui dès le premier tome se coupe les cheveux. Comment avez-vous fait pour l’utiliser de manière originale ?

Bien sûr, quelque part je peux regretter de lui avoir coupé les cheveux. Toutefois, ce n’est pas pour autant qu’il arrête de se travestir en femme. Il alterne les vêtements féminins et masculins. Au final, je pense que c’était plutôt une bonne chose. J’ai ainsi pu transformer le personnage par la suite.

Quel personnage préférez-vous et quel est celui qui vous ressemble le plus ?

Celui qui me ressemble le plus est l’otaku qui aime les anime. C’est celui auquel je m’identifie le plus : il est comme moi.

Les personnages que vous dépeignez sont assez originaux. Quelle est votre source d’inspiration ?

Je n’ai pas spécialement de modèle. Je tenais à ce nous puissions retrouver en nous les caractéristiques des personnages, que nous puissions nous identifier à eux. Par exemple, nous avons tous en nous un coté otaku, un coté « loser », etc.

Qu’avez-vous cherché à dire en les créant et comment avez-vous procédé ?

Comme ce manga est destiné à une tranche d’âge assez jeune, j’ai voulu représenter les différents soucis que nous pouvons avoir à cet âge-là tout en montrant de la compréhension et de la tolérance vis-à-vis des problèmes que nous rencontrons.

Dans Bienvenue au club, les deux personnages masculins sont bien développés et crédibles. Comment avez-vous fait en tant que femme pour la description de ces protagonistes ?

Je pense que dans la tranche d’âge 10-20 ans, il n’y a pas tant d’écart entre les hommes et les femmes. Cette période est assez ambiguë. Il me semble également qu’ils ont les mêmes peines et souffrances. Pour les garçons, également, j’ai cherché en moi quelles avaient été mes douleurs quand j’étais adolescente et j’ai intégré cela.

wallpaper bienvenue au club
Fond d’écran de Bienvenue au Club montrant les 4 héros du shôjo

Lors de votre séance de dédicaces, on vous a beaucoup demandé de dessiner certains personnages comme Ryô l’otaku et la chef du club des losers. Ces mêmes personnages sont-ils populaires au Japon ? Qu’en avez-vous pensé ?

En réalité, c’était ma première séance de dédicaces car je n’en avais jamais fait auparavant. Au Japon, une enquête sur internet a permis de savoir quels étaient leurs personnages préférés des lecteurs. Bien évidemment, Nima et Okinoshima ont été choisis.

Lorsqu’on m’a demandé de dessiner Ryô et Yoriko, j’ai vraiment été très surprise. Il n’empêche que je ne m’explique pas cette différence. Je ne sais pas. C’est la France.

Vous vous retrouvez en France à rencontrer des fans de votre manga alors qu’à la base, vous aviez dessiné cette œuvre pour des lycéens et un lectorat japonais. Quelles sont vos impressions par rapport au fait que cette série japonaise soit publiée et lue de l’autre côté du monde ?

Au départ, je pensais qu’elle serait simplement lue par des lycéennes japonaises. Cela me surprend donc vraiment, d’autant plus qu’elle a été également publiée en Corée, Thaïlande, Indonésie et maintenant en France. Le fait qu’elle soit également comprise à l’étranger me fait dire qu’il n’y a finalement pas tant de différence entre l’adolescence japonaise et l’adolescence que l’on peut vivre dans un autre pays.

Existe-t-il une différence entre le lectorat français et japonais ?

Je ne pense pas qu’il y ait de différences. Lors de ma séance de dédicaces, tout le monde était très gentil avec moi et me parlait. J’ai trouvé ça très sympathique.

Au Japon, pour chaque tome, les couvertures de Bienvenue au club changent d’apparence tout comme le logo de la série. Comment ce concept a-t-il été créé ? Qu’en avez-vous pensé et quelles ont été les réactions des lecteurs au Japon ?

Cette idée de changer le design et le logo du manga est due à M. Saito (NDLR : éditeur chargé de Mme Asada) et je vous avoue que moi aussi ça m’amuse beaucoup à chaque fois de découvrir le nouveau design de la couverture et le nouveau logo. En réalité, c’est le designer qui s’occupe de cette tâche.

Pour ce qui est des lecteurs du Japon, lorsqu’ils ont cherché le deuxième tome après la sortie du premier volume, ils n’ont pas trouvé quelque chose qui y ressemblait. Ils se sont donc plaints au libraire. À présent, comme nous en sommes au huitième tome, les fans ont l’habitude et les réflexions relatives à cela ont disparu. Donc tout va bien.

M. Saito : Le premier tome de Bienvenue au club est un ciel bleu avec des lycéens, typique d’un manga shôjo. Mais en réalité, quand j’ai discuté avec le designer et Mme Asada, nous avons trouvé que cela ne reflétait pas la variété de ce manga dans lequel sont montrées des jeunesses et adolescences différentes. Ainsi, il serait bien de que cela transparaisse également sur la couverture. N’ayant pas tous la même adolescence, il est possible de varier les couvertures autant que les caractères des personnages.

Sa profession de mangaka

Faisons un petit retour sur votre parcours professionnel. Vous collaborez avec Kanna Hanazawa. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Kanna Hanazawa est publiée dans une revue qui s’appelle New Type. Elle a décidé d’écrire quelque chose sur elle et d’en faire un manga. Ses managers cherchaient quelqu’un avec qui collaborer. Ils ont lu un peu par hasard Bienvenue au club, ont aimé et m’ont proposé de collaborer.

Vous travaillez sur 5 mangas en même temps. Est-ce difficile ? Comment parvenez-vous à gérer votre planning et les deadlines ?

Ce n’est pas difficile car je dessine rapidement. Travailler sur 5 séries avec 5 genres très différents permet de me changer les idées : lorsque j’en ai marre de quelque chose, je peux écrire autre chose.

De plus, comme les dates limite sont très différentes, je parviens à bien m’organiser. En effet, certaines arrivent au début du mois et d’autres à la fin. Je peux donc facilement les respecter en m’y prenant au fur et à mesure. Quant à ma journée de travail, je décide combien de pages je dois écrire quotidiennement et j’essaie de le respecter au maximum.

Étant donné le fait que vous avez des deadlines très variées sur un mois, à peu près combien de temps mettez-vous pour faire un chapitre de Bienvenue au club ou d’autres séries chez un autre éditeur ?

La date limite pour Bienvenue au club est le 17 du mois. Au début du mois, je décide de la suite de l’histoire. J’en parle ensuite avec mon éditeur chez Akita Shôten, ici présent, afin qu’il me donne son accord.

Puis je m’arrange pour écrire la suite deux semaines avant la date limite. Je fonctionne de cette façon pour les autres séries, ce qui fait que par moments, je peux avoir certaines opérations qui se chevauchent. Mais bon, cela reste quand même évident de tout faire.

M. Saito : Je tiens à dire que je trouve la mangaka vraiment formidable parce qu’en réalité, alors que la plupart des auteurs écrivent 40 pages par mois, elle en réalise 100, Bienvenue au club compris. C’est très impressionnant.

Ce qui l’est d’autant plus, c’est que vous travaillez toute seule et sans assistant. Pourriez-vous nous parler de la façon dont vous travaillez et surtout où ? Il semble que vous n’êtes pas toujours chez vous dans votre atelier.

En effet, je n’ai pas d’assistants. Je dessine à la main jusqu’à la phase avec le stylo. Ensuite, je scanne mes dessins et les retravaille à l’ordinateur avec un logiciel, facilitant beaucoup mon travail. Plutôt que de devoir expliquer à un assistant ce qu’il doit faire et échanger de nombreuses fois, je trouve cela plus rapide de faire moi-même le travail.

Sinon, en principe, je travaille chez moi mais récemment, j’ai commencé à travailler dans un café qui s’appelle Espace Manga. On retrouve de nombreux instruments pour les mangaka. Il n’est donc pas nécessaire d’apporter son propre matériel. Cela me permet aussi de mieux me concentrer et de voir d’autres dessinateurs en action.

Nikki Asada à l’œuvre

À l’issue de sa conférence, la dessinatrice a réalisé une magnifique illustration de Nima Momosato. Pendant cette séquence elle nous a présenté une de ses techniques secrètes et son éditeur a salué sa rapidité.

J’utilise toujours pour mes premiers jets un critérium de couleur bleu ciel. Ainsi, je m’évite la douloureuse opération du gommage parce que cette couleur ne transparaît pas quand je scanne mes dessins. C’est une technique secrète utilisée par de nombreux mangaka.

nima momosato dessin
Nima Momosato aux couleurs de la France

M. Saito : Même pour le Shônen Jump, les auteurs parviennent à créer environ 80 pages par mois, avec des assistants. Tandis que Mme Asada, seule, réalise cette centaine de pages. C’est même elle qui dessine les motifs. En général, ce sont les assistants qui font les petits nœuds, les rayures, etc. Ici l’auteur gère tout car elle sait ce qu’elle veut dire et écrire.

Le mot de la fin

Avez-vous un message à faire passer à vos fans français ?

Le simple fait d’être lue par des Français est comme un rêve.

Audrey

Véritable cœur d'artichaut, je suis friande de romances poignantes. Plus une série me fait pleurer, plus je l'aime !

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