Nous voici déjà le dernier jour de la Semaine du shôjo 2015. Pour clore cette édition, Club Shôjo te propose de découvrir sa participation à l’événement interblog. Pour rappel, chaque blog participant réfléchit autour d’une thématique commune et poste un billet à cette suite. Cette année, le thème choisi est le suivant : « Quel est le personnage féminin le plus réussi du shôjo et pourquoi ? ».
Vaste question, n’est-ce pas ? Pour tenter d’y répondre, nous serons deux, Matou et Nico Robin, à le faire. Pour commencer, nous nous sommes demandées ce que pouvait être un personnage féminin réussi. Est-ce quelqu’un de tellement irréel que nous en restons bouche bée tant il nous impressionne ? Ou est-ce plutôt une personne humaine, avec ses vertus et imperfections mais qui saura provoquer de l’émotion ?
Si la thématique laisse supposer que nous pouvons nous intéresser également aux personnages secondaires, nous avons tout de même décidé de nous concentrer sur les héroïnes. Non pas que ces « seconds couteaux » ne soient pas dénués de charmes, bien au contraire, mais le personnage principal offre plus de perspectives étant donné qu’il est souvent plus développé que ses comparses féminines. Même si certaines se détachent comme Nakajima de No longer heroine, force est de constater que la plupart demeurent dans l’ombre de leur amie (ou ennemie) vedette.
Les ingrédients d’une héroïne réussie
À la manière d’une succulente pâtisserie, l’héroïne de shôjo possède des ingrédients de première qualité. Fruit d’un savant mélange entre atouts et points faibles, nous allons également voir que son auteur doit trouver LA manière de la présenter aux yeux des lecteurs. C’est pourquoi, pour que la recette fonctionne, il lui faut la base (les qualités), l’accompagnement pour rehausser les saveurs (les défauts) ainsi que la technique appropriée (le savoir-faire).
La base : ses qualités nécessaires
En fonction de nos intérêts, nous serons sensibles à des traits de caractère particuliers et d’autres nous interpelleront moins. Certains préféreront une pointe d’amertume tandis que d’autres personnes apprécieront particulièrement un gâteau aux notes plus acidulées.
Ainsi, nous présenterons 7 qualités nous paraissant essentielles pour constituer une héroïne réussie.
Avoir le sens de l’humour : Une héroïne plutôt drôle par ses interventions ou tout du moins provoquant le rire s’apprécie toujours. On ne lui demande évidemment pas d’avoir une formation de clown mais un peu de détente à ce niveau n’est pas désagréable. Cela montre qu’elle ne se prend pas la tête. Le sourire qu’elle peut susciter se révèle également bien utile pour enjoliver une atmosphère lourde.
Nika Tamiya de Switch girl!! représente fièrement cette catégorie de personnages loufoques. Nous la retrouvons fréquemment dans des situations cocasses, surtout en mode OFF. Parmi les scènes mémorables, il y a celle du jour des promotions. La demoiselle, vêtue de son survêtement caractéristique se bat avec d’autres dames au supermarché pour avoir le plus de produits au rabais.
Posséder une certaine ambition : Un protagoniste ambitieux nous paraît très important. En effet, quand il n’est pas démesuré, cet atout constitue le moteur du changement ou du progrès de l’héroïne. Il lui offre la possibilité de se projeter à moyen voire long terme et aussi de se dépasser. Elle va puiser en elle les ressources nécessaires pour aller de l’avant afin de sortir de son statu quo. Généralement, ces personnages sont des battantes qui affrontent les difficultés avec brio.
Elles possèdent chacune cette capacité à rebondir après un échec. Bien sûr comme tout être humain, leur désir de progresser peut être tel qu’il les bloque dans une course effrénée vers l’atteinte d’un objectif. Mais la réalité finit par les rattraper et les aider à se remettre dans le bon chemin – celui qui leur convient.
À ce titre, Minami Fujii de Complément affectif correspond à cette caractéristique. Véritable bourreau de travail, elle aspire à gravir les échelons professionnels mais néglige sa vie sentimentale. Elle va prendre conscience que sa vie actuelle n’a peut-être pas beaucoup de sens grâce à une remarque de l’une de ses supérieures. Cela va constituer un électrochoc lui permettant de percevoir le monde différemment et de ne plus rester obnubilée par sa réussite professionnelle.
Une pointe d’ingéniosité et de réflexion : Nous ne faisons pas un appel aux protagonistes surdoués, possédant des capacités hors normes, loin de là. Mais un personnage intéressant doit pouvoir se démarquer par sa manière de penser, son intellect, sa capacité à faire des déductions. Elle ne possède pas un pois chiche à la place du cerveau, et c’est avec délectation que nous, lecteurs, allons suivre son raisonnement, même s’il doit être totalement absurde !
L’héroïne qui me semble la plus appropriée est Mizuho Suga de la série Piece. Loin d’être stupide, c’est elle qui enquête sur ce méli-mélo que constitue l’histoire. Ce personnage évolue également tout au long. On retrouve aussi ces qualités chez Shiori du shôjo Six Half. Ce qui est encore plus intéressant ici, c’est la comparaison entre la Shiori d’avant l’accident et celle de maintenant. Le changement est radical et ne fait que rendre ce protagoniste encore plus puissant dans cette situation : ça lui enlève tout le côté superficiel qui lui collait à la peau. Les répliques donnent ici à réfléchir, elles questionnent sur l’identité : adieu le superflu, on est presque dans le vrai.
Un peu d’originalité ne fait pas de mal : Sans obligatoirement appartenir à la catégorie des spécimens totalement extra-terrestres, nous affectionnons les personnages disposant d’un peu d’originalité. Comme le piment dans un plat, elle offre ce petit quelque chose en plus à l’héroïne. Un peu à la marge de la pensée commune, ces êtres nous surprennent souvent. Leur système de pensée diffère du nôtre, ce qui fait qu’il est compliqué de prévoir leurs réactions.
Le cas de Nodame (Megumi Noda) du josei Nodame Cantabile en est l’une des plus belles illustrations. Armée de ses onomatopées maison, nous sommes bien en peine de deviner sa prochaine action, et c’est aussi pour cela qu’on l’adore !
La sociabilité aussi c’est important : Une héroïne qui aime le contact humain possède également nos faveurs. Elle n’a pas nécessairement l’obligation d’être la coqueluche du lycée – et il est préférable qu’elle ne le soit pas. Être entourée d’amis et un naturel avenant ne peuvent que l’aider à s’épanouir davantage. Véritable force, le cercle de proches qu’elle se sera constitué lui profitera grandement. En effet, en cas de peine de cœur, ils seront présents pour la soutenir.
Mimi du shôjo Blue correspondrait à cette qualification. Certes, elle a quitté son île natale et n’y revient que plusieurs années après mais lorsqu’elle revient, elle sait qu’elle peut retrouver ses amis d’enfance. Ils ont bien sûr changé mais leur attachement les uns envers les autres demeure. C’est notamment grâce à eux qu’elle peut aller de l’avant.
Le courage est une vertu : Une demoiselle courageuse est peu commune dans le monde du shôjo. Elles le sont généralement un chouïa, mais le rôle du prince-cavalier rafle bien souvent tout sur son passage. Il nous fait oublier que oui, notre héroïne était justement en train de se mouiller pour tenter d’affronter ses peurs. Faire face au danger, voilà ce qu’apporte le courage. Un protagoniste qui en prend conscience va évoluer progressivement au fil de l’histoire pour notre plus grand plaisir. Il ne restera pas sur ses acquis, et va souvent aller vers l’inconnu.
Deux héroïnes me viennent à l’esprit, il s’agit de Nanami (Divine Nanami) et Teru Kurebayashi (Dengeki Daisy). Elles sont toutes les deux sujettes à une évolution dans le scénario. Elles sont déterminées, ont une idée en tête et elles foncent en prenant leur courage à deux mains. Ces deux adolescentes ne sont pas seules dans leurs aventures, elles sont épaulées d’un conseiller qui va les encourager. Chez Teru, on discerne rapidement cette qualité-ci, dès les premières pages. Elle cache sa peur, sa tristesse, c’est une fille forte qui n’hésite pas à protéger ses prochains.
Être capable de se débrouiller seule : Une héroïne qui ne sait rien faire, c’est lassant, on est d’accord ? Même nous on sait cuisiner, alors pourquoi pas elle ? C’est si difficile de faire cuire du riz ? C’est une qualité essentielle pour qu’une personne nous apparaisse comme mature. Si elle ne fait rien, notre héroïne sera une plante bien rangée dans le décor. Alors qu’en agissant, elle prend de l’importance, elle prend aussi des décisions, elle se met à penser, et devient tout de suite plus réaliste et vivante qu’un pot de fleurs en plastique.
Bien souvent dans le shôjo, une fille débrouillarde vit seule suite à une tragédie, et se bat pour devenir la plus indépendante possible. C’est le cas de Tohru Honda (Fruits Basket). Bien qu’elle puisse paraître agaçante, elle fait face à la vie comme elle peut et apporte elle aussi des solutions à son entourage. Il ne faut pas non plus n’être qu’indépendant et ainsi tout garder pour soi. Le personnage qu’est Tohru évolue positivement au fil des tomes pour notre plus grand bonheur.
L’accompagnement : ses défauts acceptables
Si à la vue, un gigantesque framboisier nous fait saliver d’envie, les couches de crème qu’il contient peuvent vite devenir écœurantes, surtout si le pâtissier a été généreux avec la sucrière.
Parce qu’une héroïne parfaite n’existe pas ni ne serait souhaitable, les défauts qu’elle possède peuvent lui ajouter un charme évident. À la manière de la pincée de sel que l’on additionne à la pâte à tarte pour accentuer son goût sucré, ces faiblesses constituent la touche supplémentaire parachevant notre délicieux protagoniste.
Il est bien entendu que certains d’entre eux apparaissent difficiles à assumer, c’est donc pour cette raison que nous t’en proposons 7 ne nuisant en rien, selon nous, à l’héroïne réussie. Nous dirons même plus : ils pourront concourir à la rendre plus soignée.
La solitude, ça a son intérêt : Que la solitude soit subie ou choisie, notre héroïne se retrouve à une période de sa vie sans amis. Au départ, le contact avec autrui peut s’avérer complexe et s’accompagner d’une certaine méfiance. S’enfermant dans une épaisse carapace protectrice, ces protagonistes se complaisent bon gré mal gré dans cet état.
Toutefois, la solitaire dispose de nombreux atouts. Eh oui, qui a dit que ces dames étaient forcément ennuyeuses ? Avec elle, les secrets seront bien gardés : ce n’est pas son genre ! Aussi, son point de vue sur le monde se situe parfois en marge de celui des autres. Contrairement aux moutons de Panurge, sa pensée apporte une autre perspective aux situations rencontrées. Après tout la solitude aide à la réflexion. Tout cela participe à lui donner une aura spéciale, propre à elle-même, donnant envie de la découvrir davantage.
Mei Tachibana de Say I love you correspond tout à fait à cette description. Isolée et ayant choisi de se tenir à l’écart des autres, la jeune fille observe beaucoup ses congénères et se révèle être de précieux conseils pour qui lui en demande (ou non d’ailleurs). Sa vision intéressante l’aide par la même occasion à faire connaissance et sortir progressivement de cette prison qu’elle s’est construite.
La ringardise est de mise : … mais elle ne dure jamais longtemps ! Le relooking se fait très proche pour le protagoniste atteint de la maladie de la ringardise aiguë, et derrière cette fille démodée se trouve une demoiselle splendide. Bien souvent, il suffit d’enlever les lunettes, de changer de coupe de cheveux, un peu de maquillage par-ci et par-là, puis elle est prête à faire des ravages. Ce défaut met en avant deux problèmes que l’héroïne doit surmonter : assumer ce changement total en restant elle-même, et essayer d’être assez forte pour ne pas retomber dans son état de plante aux lunettes en forme de spirales.
Mairu du manga Mairunovich s’est retrouvée dans cette situation du relooking. Au départ, elle n’était qu’un simple champignon inexistant de cette surface de la Terre. Cette mise en beauté va lui apporter une autre vision de la vie, à elle qui se sentait si inutile lorsqu’elle avait son apparence d’origine. Cela va lui permettre de faire de belles rencontres, de découvrir une autre facette de sa personnalité. Puisqu’elle se considérait invisible aux yeux des autres, cette transformation va lui apporter plusieurs embûches nécessaires pour avancer dans la vie et la faire mûrir.
La timidité n’est qu’une étape : Parfois couplée à la solitude, une héroïne timide n’en demeure pas moins fort charmante. Quand cette prudence ou volonté de ne pas s’imposer reste raisonnable, elle devient un autre avantage. On ne risque pas de se retrouver avec des tirades verbeuses ou des monologues interminables. Quant aux cancans, ce ne sera pas elle qui les diffusera. Méfions-nous quand même de l’excès inverse où notre protagoniste reste peu loquace.
De plus, une demoiselle de shôjo timide ne peut que devenir plus confiante en elle. Ainsi savoir que cela va se produire, constater ses progrès nous ravit d’avance. C’est un personnage que nous pouvons voir évoluer et se métamorphoser, telle la frêle chenille devenant un splendide papillon.
Hiyorin de Hiyokoi appartient à cette classe-ci. Bien sûr sa timidité est telle qu’elle se cache dans les casiers à la moindre contrariété ! Ayant très peu confiance en elle, elle n’ose pas s’imposer. S’exprimer sur ce qu’elle désire relève du combat contre cette torpeur qui la paralyse.
Dit comme ça, son portrait n’est guère enchanteur mais progressivement, étape par étape, nous la voyons s’améliorer et prendre de l’assurance. Elle ose davantage partager ses états d’âme ainsi que ses désirs. Le chemin est encore long vers l’extroversion – mesurée, entendons-nous bien – mais elle y tend doucement.
La manipulation, pourquoi pas : … mais avec modération. Nous entendons par là les héroïnes calculatrices. Si l’on reste dans le réalisme, bien sûr qu’on veut souvent que tout se passe comme prévu. Une peste, une sournoise, c’est tout de même agréable à suivre plutôt qu’une sainte-nitouche. Ce défaut apporte du piment aux situations, et heureusement, le personnage cache souvent un bon fond, c’est un peu l’anti-héros, qui n’en reste pas moins un bon protagoniste avec de multiples facettes.
Dans le manga Momo de Sakai Mayu, la petite diablesse Momo cache sous son joli visage la possibilité de détruire la planète Terre. Il faut se méfier de cette petite fille qui n’attend qu’une seule chose, qu’on lui obéisse pour qu’elle puisse obtenir ce qu’elle veut. Elle possède à son service plusieurs personnes juste là pour assouvir ses désirs. Le syndrome de Stockholm s’abat sur nos autres personnages et nous-mêmes. Malgré tous les malheurs qui accompagnent notre aventure, on finit par s’attacher à ce petit démon, qui semble bien sûr cacher un très lourd secret. Elle demande simplement d’en être libérée.
L’émotivité rend attachant : Une héroïne montrant son ressenti nous fera craquer. Elle prend souvent les choses trop à cœur et s’emporte aisément. Parfois, elle nous donne l’impression d’un véritable volcan prêt à exploser. Sa sensibilité à fleur de peau la rend agaçante quelques fois, mais cela lui donne un petit supplément d’âme et une incroyable humanité. Elle représente le vecteur de nos émotions par rapport à la situation vécue pour mieux nous la faire ressentir.
Beaucoup diront qu’il n’est pas nécessaire d’en arriver à cet extrême mais il ne faut pas oublier que le support n’est pas facile pour transmettre des émotions, et qu’ainsi cela peut représenter une technique supplémentaire pour atteindre le lecteur.
Mikan Sakura de L’académie Alice est une vraie madeleine. On peut la pardonner étant donné son jeune âge. Dans les premières pages, Hotaru, sa meilleure amie, critique cette tendance à la larme facile. Pourtant, malgré ces critiques, cela constitue son charme. La petite mandarine sans ses larmes coulantes ne serait pas elle-même. De plus, comparativement aux autres camarades qui semblent si stoïques, voire même anesthésiés émotionnellement parlant, elle apporte cette fraîcheur ainsi qu’un vent de changement au sein de cette école. Et qu’on se le dise bien, son émotivité, bien que présente, va laisser la place à une grande force d’esprit et beaucoup de courage pour affronter les dures épreuves qui l’attendent.
La dépendance, mais pas trop : Ce n’est pas bien d’être trop accroché à quelqu’un. Certes, il y a cette débrouillardise développée précédemment qui entre en jeu, c’est juste un dosage à faire entre les deux. Une héroïne dépendante, on va la trouver vraiment énervante, mais en même temps, elle a besoin de ça pour se rattacher à quelque chose, pour se sentir moins seule. Souvent cette situation devient très vite malsaine avec un abus remarquable surtout du côté de la personne qui côtoie notre protagoniste principale. Mais au fil de l’histoire, elle s’assagit, pour finalement devenir un véritable soutien.
Erika de Wolf Girl & Black Prince en est l’illustration parfaite. Elle recherche absolument un garçon, et se retrouve au titre de chien personnel de Sata, son bourreau. Elle ne veut qu’une chose, s’éloigner de lui alors qu’en même temps, elle a besoin d’un copain. Docile comme jamais, Erika exécute la moindre demande presque sans rechigner, c’est révoltant ! Le bourreau ne reste jamais méchant bien longtemps. Cette dépendance est attachante mine de rien, il y a du bon dans tout ! Peut-être même que finalement, c’est elle qui tenait les rênes depuis le début.
Un brin de naïveté : Que serait une héroïne sans cette naïveté qui la rend complètement aveugle ? On voit pertinemment comment vont se dérouler les évènements, c’est juste elle qui ne comprend pas (et qui ne comprendra peut-être jamais à moins d’avoir une preuve pure et dure que tout cela c’est vrai, qu’il est amoureux d’elle et puis c’est tout). Le nombre de fois où il faudra la secouer. Mais au fond, une héroïne lucide de tout c’est aussi très ennuyeux. On ne verra pas toute la magie dans ses yeux, toute son innocence, tout ses doutes. Sans naïveté, une grosse partie de l’histoire n’existerait même pas.
Attention, on ne parle pas ici des cruches et des héroïnes fragiles. Il s’agit vraiment de cette inexpérience et cette incrédulité propre à la mignonnerie des héroïnes.
C’est difficile de trouver un très bon exemple de ce genre d’héroïne parce qu’elles le sont toutes un peu. Notre choix va finalement se porter sur la série Love Mission qui a pour héroïne une manipulatrice prête à tout pour découvrir les sensations de l’amour, Yukina. C’est une lycéenne qui ne connait rien à l’amour, et pour écrire, elle a besoin d’expérimenter toutes sortes de situations afin de parfaitement retransmettre les bons sentiments dans son roman pour portable. Quelle naïveté de croire que jouer cette mascarade la laisserait de marbre ! Cette héroïne ne se rend absolument pas compte des sentiments qu’éprouvent ses amis à son égard, même lorsqu’ils sont directs. Peut-être que c’est de la stupidité. Cependant, sans cette naïveté, ce personnage serait extrêmement désagréable à cause de son côté manipulateur.
La technique : le savoir-faire du mangaka
Disposer des bons ingrédients est une chose, mais comme tout bon gâteau, l’héroïne a besoin d’un développement savamment mené par son auteur. Mélange, pétrissage et cuisson nécessitent un contrôle précis et ne s’improvisent pas.
Singulier, ce personnage va porter le récit de bout en bout. Il n’est alors pas question que celui-ci soit bâclé. Comme le dit le vieil adage, « chaque chose en son temps« . Si la psychologie de l’héroïne peut être identifiable aisément, il ne faut pas que l’auteur nous dévoile tout dès le départ ! Le mystère est de mise ! Titillant le lecteur, il doit susciter son intérêt et lui donner envie de lire la suite. C’est pour cette raison qu’une protagoniste aux abords peu intéressants dans les premières pages, peut, si son caractère est fouillé et bien présenté, devenir une héroïne inoubliable au final.
Attention toutefois, le mangaka ne peut pas tomber dans l’excès inverse en nous laissant miroiter quelque chose pendant une quinzaine de tomes ! Il s’agit effectivement d’un dosage équilibré pour obtenir une histoire tenant la route et ne s’essoufflant pas trop vite, ou au contraire, ayant du mal à décoller.
Aussi, il nous paraît primordial de constater une progression de son caractère, les défauts s’effaçant au profit de leur version positive. Semblable à une pâte à gâteau, le personnage féminin principal d’un shôjo se forme au gré des épreuves qu’elle rencontre et des obstacles qu’elle surmonte. Les joies et peines concourent à forger ce qu’elle va devenir à la fin de l’histoire. L’héroïne des derniers tomes ne doit plus être celle du départ avec ses défauts, mais une version meilleure d’elle-même.
Même s’il semble très plaisant de côtoyer une héroïne sortie de nos fantasmes, on doit veiller à ce qu’elle reste vraisemblable. Il nous est indispensable de pouvoir nous identifier à celle-ci, ne serait-ce que par un de ses aspects ou une de ses attitudes. Elle peut comporter des caractéristiques la différenciant du commun des mortels ou être dotée de super-pouvoirs, il est préférable que l’ensemble demeure plausible.
L’héroïne la plus réussie selon Matou et Nico Robin
Une fois les ingrédients choisis, il nous reste à préciser leur dosage pour déterminer notre recette de l’héroïne idéale. Les tentations ont été nombreuses et la sélection du protagoniste se démarquant des autres ardue, mais nous avons réussi à en retenir un !
La partie qui suit présente la recette finale que nous avons concoctée pour obtenir notre héroïne la plus réussie.
La recette de Matou
Hatori est un personnage qu’on pourrait qualifier de stéréotypé aux premiers abords. Elle a tout de l’héroïne nunuche, et lorsque j’ai commencé la lecture de No Longer Heroine, je me suis demandée « mais qu’est-ce que c’est que ce personnage ?! ».
La manière dont elle se place dans la fiction est ce qui m’a fait penser à cette thématique. Il y a cette sorte de mise en abyme : elle se prend pour une héroïne, elle croit fort que tout tournera autour d’elle dans cette histoire. Et c’est ce qui a permis de développer un certain attachement. Sa personnalité est tellement proche de la réalité, que bon… personnellement, je m’y suis souvent identifiée. Un personnage auquel j’arrive à m’identifier est un bon personnage, selon mes goûts.
Finalement, loin d’être une enveloppe vide derrière un coup de crayon, Hatori est égoïste. Elle n’est pas aussi gentille qu’elle en a l’air. Elle est à la fois peste mais adorable par sa détermination. On est tous un peu comme elle, c’est triste à dire mais c’est comme ça. Un protagoniste doit pouvoir jongler entre défauts et qualités, il serait, sinon, qu’une pauvre poupée parfaite et ennuyeuse, si bien qu’il n’aurait aucun intérêt.
Je sens déjà venir les avis partagés sur Hatori. En effet, certains diront qu’elle n’a rien d’une héroïne réussie, qu’elle est le cliché même de ce qu’on attend de voir dans un shôjo, trop cruche et j’en passe. Hatori, contrairement à d’autres héroïnes, possède un petit plus qui la rend très réaliste et qui est très bien retranscrit dans le manga : c’est un personnage passionné comme jamais dans tout ce qu’elle fait. Elle hésite, puis elle fonce et tente le tout pour le tout, même si elle a peur du résultat. Tout cela parce qu’elle aimerait obtenir ce qu’elle veut au fond de son cœur sans avoir de regrets.
En voilà une demoiselle courageuse et motivée ! Hatori prend le risque de fréquenter un autre garçon et peut-être de le blesser par la suite, de paraître exécrable en ne mâchant pas ses mots. Elle est surtout capricieuse de temps en temps, comme on le serait si la jalousie s’emparait de nous. Ces réactions, je sais que j’y ai été confronté au moins une fois dans ma vie. Les retrouver dans Hatori témoigne tout de même d’une très bonne analyse par l’auteur des réactions humaines.
C’est une héroïne comme on en voit rarement, dans un shôjo qui ne parle presque seulement d’amour. Si Hatori existait, j’aurais peur d’être son amie tout simplement parce qu’elle est fascinante (et que j’ai peur d’aborder des personnes trop cool). Si elle me rencontrait, elle listerait tout mes défauts dans sa tête avec son air moqueur sur le visage. Mais du moment qu’elle peut être heureuse en amour, on peut ne pas s’inquiéter, elle nous laissera tranquille.
La recette de Nico Robin
En réfléchissant à la question, je n’avais pas au départ d’idée bien précise de l’héroïne que je pourrais considérer comme la plus réussie. J’en souhaitais une ayant observé une progression par rapport à son état initial. Il fallait qu’elle m’ait touchée profondément par la même occasion.
N’ayant exclu aucune possibilité aussi bien dans l’âge (adulte, ado ou même petite fille) que dans le type de manga nous pouvons la rencontrer (shôjo pur ou josei), Sumire Iwaya de Kimi wa pet s’est imposée à moi.
À la fois intelligente, ambitieuse et courageuse, j’admire énormément cette jeune femme. Nous n’avons pas le même âge et nos situations de vie sont différentes – et ce encore plus à l’époque où j’ai entamé ce manga. Cependant, j’arrive à m’identifier à elle et compatir à sa situation. Il s’agit là d’un formidable travail de la part de Yayoi Ogawa !
L’impression qu’elle donne au premier abord n’est pas fameuse. Hautaine, distante et froide en apparence, elle ne donne pas très envie de la soutenir. Pire, elle représente typiquement le genre de personne parfait, lisse et trop inaccessible ! En réalité, elle est tout le contraire. Elle possède une fierté très mal placée, l’empêchant de se montrer sous son véritable jour, pourtant bien agréable.
Paradoxale, elle dégage une aura de certitude et de pleine possession de ses moyens alors qu’à l’intérieur d’elle, c’est panique à bord ! Ne laissant tellement rien paraître, elle donne l’illusion que tout est facile ! Elle veut nous faire croire qu’elle ne se préoccupe de rien à part d’elle-même, alors que ce n’est pas le cas. Au contraire, le jugement des autres la fait fortement réagir mais elle décide de tout enfouir en son âme.
Au départ, la belle Sumire pense qu’il ne faut rien dévoiler de ses faiblesses aux autres même à ses proches. Toutefois, assez naturellement elle va malgré elle s’ouvrir à Momo, son drôle de compagnon. Il agit en véritable élément déclencheur de sa transformation. Grâce à ce jeune homme, la demoiselle apprendra à s’ouvrir à autrui, montrer ce qu’elle ressent et ne pas avoir honte de pleurer en public. Sa figure sociale semblable à de la cire fond progressivement pour laisser transparaître un visage plein d’émotions, plus en concordance avec sa véritable nature.
Bien que restant d’un tempérament de feu, la présence de Momo la rassure et la réconforte. Elle nous montre alors des aspects plus doux et tendres.
Tout au long des 14 tomes que dure Kimi wa pet, la petite violette (traduction en japonais de son prénom) s’épanouit et progresse agréablement. L’auteur s’arrange pour nous montrer aux bons moments les informations nécessaires à une meilleure compréhension de cette héroïne. Je pense que c’est notamment la raison pour laquelle je suis particulièrement touchée.
Bien sûr, les choix présentés sont tout à fait subjectifs car nous ne sommes pas sensibles aux mêmes éléments selon notre parcours de vie ou les intérêts que nous possédons.
Ainsi, pour nous, une héroïne réussie est comme une belle pâtisserie : délicate et succulente, avec une pointe de supplément et dont la saveur reste longtemps en bouche. Elle provoque en nous de nombreuses émotions (joie, tristesse, attendrissement), telle la madeleine de Proust nous rappelant à sa dégustation quelques moments fugaces de notre enfance.
Les articles des autres blogs
Retrouve à présent les articles de chaque blog ayant participé à cet événement. Nous t’invitons fortement à les lire !
Un grand merci à chacun d’entre eux de s’être joints à ce petit défi !
- Instantané
- Le Chapelier Fou
- Mirrors
- Ma petite médiathèque
- Manga Suki
- Heaven Manga
- L’Antre de la louve
- Yaoi Cast
- Hana Borderland
- Nuits sans sommeil
Et pour toi, quelle héroïne est la plus réussie ? N’hésite pas à la nommer dans les commentaires mais aussi à réagir par rapport à cet article. 😉
Excellent article!
Comme toujours, l’analyse est poussée, super intéressante et les réflexions sont pertinentes! J’ai beaucoup aimé la présentation également, c’est original et ça se lit tout seul 🙂
Encore merci de m’avoir proposé de participer cette année encore, j’ai beaucoup aimer tenter le coup 😉
Merci beaucoup Missmatsu pour ce joli compliment ! *rougit* Je suis ravie au nom de nous deux que tu aies apprécié sa lecture ^_^ Il n’a clairement pas été facile d’en choisir une seule !
Je suis aussi très contente que tu aies pris plaisir à participer à nouveau cette année ! 😀
Moi aussi je suis ravie de lire ce commentaire <3, merci merci merci !!
waou ! c’est pas un article c’est un roman ! Bravo les filles, très bel article très poussé, dommage que je ne connaisse aucun des deux personnages qui remportent votre verdict 🙁 en tout cas j’adore la façon dont vous les avez présenté, la « recette » du bon personnage 🙂
Bon, je dois lire Kimi wa pet ! D’autant plus que j’ai les 3 premiers tomes à la maison
Merci beaucoup bidib ! Je suis vraiment contente que notre article t’ait plu. ^_^ C’est vrai que finalement, une héroïne c’est une affaire de mélange et de dosage. Il lui faut suffisamment de ci et de ça mais pas trop non plus.
Sumire est vraiment une héroïne très intéressante et même si au premier abord elle paraît hautaine, ce n’est pas le cas. Bien sûr l’histoire peut paraître bizarre mais très vite la relation entre nos deux personnages est attachante. Je relis ce josei chaque fois avec grand plaisir et c’est toujours la même intensité d’émotions. N’hésite vraiment pas en tout cas 🙂
Très complet cet article !
Merci pour cette semaine ! 🙂
Merci beaucoup ! Et également merci d’avoir pris part à cet événement une nouvelle fois.
J’espère que cet article t’aura plu. 😀
Salut, salut je trouve vos 2 héroïnes favorites superbes mais pour moi c’est Kureha Mimachi de Monochrome Animals.
Elle est courageuse, intelligente et elle est bourrée d’humour mais elle a aussi ses défauts : elle naïve et aussi dépendante.
Bien sûr je pourrai faire un long monologue mais pour plus de détails allez voir ce manga 🙂
Merci de nous avoir donné ton avis ! ^^
Coucou ^^
Je suis toujours là, c’est juste l’adresse qui a changé : https://fouchapelier.wordpress.com/2015/04/20/la-semaine-du-shojo-chez-le-chapelier-fou-edition-2015/
++
Coucou ^^ Merci beaucoup ! J’ai modifié le lien dans l’article.