Aperçu précédemment dans mon article « 3 excellentes raisons de lire Vampire Knight », il m’a semblé que le personnage de Yûki méritait une analyse plus approfondie de son développement. En relisant les mangas, j’ai été subjuguée par la force de caractère de ce personnage que j’ai assimilé de facto à une certaine liberté, affranchie des personnages masculins qui l’entourent.
Avertissement : je n’ai pas encore lu Vampire Knight Memories et je ne prétends pas parler pour Matsuri Hino. Cet article est tiré de ma réflexion et de ma sensibilité.
Disclaimer : l’article révèle des éléments du manga qui constituent des spoilers.
Personnage principal de l’œuvre, Yûki est une jeune fille vivant au sein de l’académie Cross, dirigée par son père adoptif. Avec son acolyte Zero, lui-même recueilli par le directeur, ils ont pour mission de veiller au bon déroulement de la vie sur le campus et sont les « gardiens de l’académie ».
Elle connaît donc l’existence des vampires depuis sa plus jeune enfance et a particulièrement à cœur de poursuivre les efforts de Kaien Cross quant à l’instauration d’un monde de paix entre les humains et les vampires.
Son amour d’adolescente est figuré en la personne de Kaname Kuran qui l’a sauvée des griffes d’un vampire à l’âge de 5 ans, alors qu’elle errait dans un paysage de neige, complètement perdue et seule. Dès lors, elle nourrit à l’encontre de Kaname des sentiments forts teintés de respect et de prudence puisque la nature de vampire de ce dernier lui fait un peu peur.
Yûki Cross…
L’ambivalence de Yûki réside dans ses deux identités qui se conjuguent et s’associent à un point crucial du manga. Vivant avec Kaien Cross depuis l’âge de cinq ans, la jeune fille s’interroge pourtant : qui est-elle ? Qui sont ses parents ? Pourquoi a-t-elle été abandonnée ? Cette quête intérieure s’affirme davantage lorsqu’elle accepte de nourrir Zero de son sang puisque ce dernier est tenaillé par la soif et ses instincts de vampire qu’il abhorre.
Telle est la Yûki Cross que Matsuri Hino nous présente au commencement de Vampire Knight : humaine, la jeune fille fait partie de la Day Class, vit dans le pavillon dit du soleil et profite d’une existence diurne qu’elle chérit.
Yûki Cross, fille du Soleil.
Les vampires sont pour elle des « créatures à visage humain » dont elle se méfie. Malgré des relations privilégiées avec les élèves de la Night Class du fait de son statut de gardienne de l’académie, elle préfère toutefois rester en retrait et ne pas se mêler de leurs affaires, seule exception faite en la personne de Kaname avec qui elle a noué une relation particulière.
Ce dernier a de nombreux gestes d’affection et des mots tendres à son égard, mais Yûki ne sait pas comment se comporter avec lui à cause du fossé existant entre eux : elle est une humaine, proie naturelle de ce vampire au sang-pur si beau et si dangereux.
Au fil des premiers tomes, la jeune fille se retrouve donc en plein doute quant à sa véritable identité. Plus elle touche du doigt les mystères de celle-ci, plus elle se sent en dissonance avec elle-même : des maux de tête la prennent et elle perçoit un brouillard intérieur qui l’empêche de mener à bien ses réflexions. Pour trouver un élément de réponse, elle harcèle sans cesse Kaname afin qu’il lève le voile de son passé qui pèse sur elle : que faisait-elle, seule, en ce fameux jour enneigé ? Pourquoi n’arrive-t-elle pas à se souvenir de sa vie d’avant ?
…Yûki Kuran…
Devant les souffrances vécues par Yûki qui passe par une vraie remise en question de sa nature profonde, Kaname accepte à terme de débloquer une partie de sa mémoire.
C’est alors qu’un autre personnage nous est présenté et pas des moindres : la très humaine Yûki Cross s’avère être en réalité Yûki Kuran, vampiresse au sang-pur et sœur de Kaname.
Yûki Cross qui était d’une personnalité enjouée, sentant bon le soleil se transforme en une jeune femme troublée, tentant de survivre à ce nouveau rôle qui lui est incombé.
Yûki Kuran, princesse de la nuit.
En effet, Yûki en tant qu’héritière Kuran doit apprendre un nouveau code de conduite qu’elle ne maîtrise pas : ne pas faire preuve de ses sentiments, ne pas douter, ne pas montrer ses faiblesses… La jeune fille passe de plus par une phase de rejet d’elle-même, refusant de se nourrir de sang et restant prostrée pendant des heures dans une grande chambre froide qu’elle n’a jamais investie de sa présence.
La différence entre ces deux personnages réside également dans ses lignes de conduite et la relation qu’elle privilégie en fonction de son identité : Yûki Cross est attirée par le vampire Kaname tandis que Yûki Kuran veut renouer avec le chasseur Zero.
Yûki avant tout…
Mais alors tu me demanderas en quoi Yûki peut-elle être libre, voire féministe si on ose le trait, si elle suit à chaque fois ces deux garçons ? Et je te répondrai ceci : avant d’être Yûki Cross ou Yûki Kuran, elle est Yûki avant tout.
Je trouve personnellement que la force de Yûki réside dans sa capacité à suivre sa propre voie sans qu’une tierce personne ne lui impose quoi que ce soit. C’est elle qui décide de faire avec Zero ce qu’elle nomme « l’interdit », c’est-à-dire apaiser sa soif en lui proposant régulièrement son sang, c’est elle qui décide de découvrir la vérité sur ses origines malgré ce que peuvent en dire les autres, c’est elle qui fait le choix de vivre avec Kaname cédant à l’amour qu’elle éprouve pour lui.
Et là tu me rétorqueras : oui mais Yûki n’a pas le choix de vivre avec lui puisqu’ils sont fiancés et qu’en tant que sang-purs ils doivent s’unir entre eux pour préserver la pureté de leur sang. Malgré tout, c’est également elle qui décide de partir pour questionner d’autres vampires dans le but d’en apprendre davantage quant à la technique de blocage des instincts vampiriques. Yûki garde toujours sa ligne de conduite.
Pour Yûki, qu’elle soit Cross ou Kuran, rien n’importe plus que le bonheur de Kaname et de Zero.
Son but ultime est de sauver Kaname qui s’est donné pour mission de détruire tous les sangs-purs, représentants d’une race mutante capricieuse et à part. En effet, on apprend au cours du manga que les vampires sont apparus bien après les humains et qu’il n’y a pas encore d’explication scientifique à cette sorte de mutation génétique. Ainsi, Yûki découvre le véritable passé de Kaname réalisant que l’homme qui se fait passer pour son frère est en fait l’illustre ancêtre de la lignée Kuran et qu’il s’est juré de poursuivre le but de sa bien-aimée : celui d’annihiler la race des vampires.
Yûki et Kaname, depuis toujours et à jamais.
Quant à Zero, sa volonté et son besoin de lui venir en aide se cristallise par la promesse qu’elle formule si jamais il dégénère en Level E : le cas échéant c’est Yûki qui devra l’abattre. Pourtant, le mal-être de Zero s’accentue avec la révélation des origines de la jeune fille : lui qui hait les vampires se sent profondément trahi lorsqu’il apprend la vérité sur Yûki et sa nature de sang-pur.
Commence alors entre les deux anciens amis un jeu du chat et de la souris qui renforce paradoxalement les sentiments amoureux que les deux protagonistes peinent à s’exprimer : comment s’éviter alors que tous nos chemins mènent à l’autre ?
Yûki et Zero, tous les chemins mènent à toi.
De la même manière, Yûki ne sait que choisir entre Kaname et Zero qu’elle aime tous les deux, sans pouvoir faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. La preuve en est qu’elle confesse à Kaname avoir besoin du sang de Zero pour supporter la souffrance de son absence. Mais elle reste auprès de Kaname jusqu’à la fin par amour, ne pouvant se résigner à l’abandonner pour Zero. Ainsi, Yûki possède cette liberté de ne pas choisir, tout simplement.
…libre d’aimer.
Au final, en lisant l’ensemble de la série je me suis rendue compte que le personnage de Yûki possédait également une autre liberté : celle de ne pas se retourner et de poursuivre sa route quoi qu’il advienne.
Zero ou Kaname ne peuvent la retenir auprès d’elle, c’est elle qui décide si tel est le cas ou non puisqu’elle s’échappe souvent de la surveillance constante de Kaname et qu’elle décide de couper court à sa relation avec Zero à de maintes reprises.
Sa liberté consiste aussi à vouloir apaiser les choix des autres d’une certaine mesure : elle cherche à empêcher le sacrifice de Kaname à tout prix, souhaitant pour lui une vie humaine ; tandis qu’elle prend la décision de verrouiller son existence des souvenirs de Zero pour qu’il puisse, enfin, trouver la paix.
Yûki n’est qu’amour et met tout en œuvre pour sauver ceux qu’elle aime. Personnellement, je trouve que le fait qu’elle ait un enfant avec Kaname et un enfant avec Zero symbolise avec force son personnage et conclut en beauté tout ce qu’elle est : libre d’avoir aimé pleinement, libre d’avoir fait ses propres choix, libre de ne pas avoir choisi.
Un papillon s’envole au-delà de l’éternité…
Et pour aller plus loin, on pourrait aussi soulever que l’avatar même de Yûki est synonyme de liberté : un papillon qui prend son envol quoi qu’il advienne pour aller côtoyer le Soleil.